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Infinite Flight : dans les coulisses du meilleur simulateur de vol mobile

Microsoft faisait travailler plus de cent employés sur les désormais feus « Flight Simulators ». « X-Plane » est conçu par une petite dizaine de personnes. « Infinite Flight » lui, n'a été créé que par deux développeurs. Des passionnés. De code et d'aviation. Et comme souvent avec les personnages de talent, ces deux professionnels - humbles et modestes - ne vous diront jamais que ce qu'ils ont fait, très peu en sont capables.

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I. Interview

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Commençons par le commencement. En 2006, Matthieu LABAN est un jeune Lyonnais de 23 ans. BTS et diplôme de l'Epitech en poche, il prend la direction des États-Unis pour un stage de fin d'études dans une compagnie dans le domaine des semi-conducteurs. Arrivé pour quelques semaines, il ne quittera Santa Clara que six ans plus tard, après avoir monté sa propre entreprise Flying Development Studio avec un collègue.

C'est ce collègue, Philippe ROLLIN, diplômé l'année précédente de l'Epitech Paris, qui le recommande pour le seconder sur la conception d'un logiciel de création de shaders graphiques.

À son atterrissage en Californie, Matthieu LABAN a déjà fourbi ses armes avec la réalisation d'un premier simulateur, entièrement en .NET. « Je voulais participer au développement de Flight Gear (NDR : LE simulateur de vol open source, en C) mais le compiler sur Windows était l'horreur ». Refroidi, ce passionné d'avion se lance donc dans un projet de… voiture.

C'est l'histoire de deux gars et d'un « pauvre Quad » qui devient un avion

Développée avec Open Dynamics Engine, le moteur physique et de collisions, et Managed DirectX, le moteur 3D abandonné depuis par Microsoft, cette voiture s'est vite enrichie d'une particularité un peu spéciale. « À chaque fois qu'elle était retournée, il fallait relancer l'application. J'ai trouvé un truc pour éviter cela, se souvient Matthieu. Il suffisait de lui appliquer une force latérale pour la remettre à l'endroit. Ensuite je me suis dit qu'il serait possible de lui en appliquer d'autres ». Et voilà comment, en faisant varier avec quelques lignes de code les vitesses des modules et les angles d'attaque des forces, on transforme « un pauvre Quad » en avion rudimentaire. Une idée qui coule de source pour un développeur qui a sa licence de pilote privé depuis 2001.

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Une fois dans la Silicon Valley, Matthieu LABAN revoit ses ambitions à la hausse. Il veut faire « son propre Flight Simulator ». Inévitablement, les galères se succèdent. Assez utopique, l'idée gagne en pertinence d'un point de vue économique lorsque Microsoft annonce l'abandon de son simulateur n° 1 du marché en 2009.

Philippe ROLLIN - avec qui Matthieu LABAN travaille alors toujours - y voit lui aussi une opportunité à saisir. Dont acte. Le développement de ce simulateur prend un nouvel envol en 2010 et se fait à partir de cette date à quatre mains.

Matthieu LABAN reprend tout de zéro sur son temps libre (inputs, command, UI, etc.). Cette fois-ci, il choisit PhysX, le moteur physique de NVIDIA. Philippe ROLLIN, lui, se penche sur le développement d'un moteur 3D plus poussé.

L'arrivée de Windows Phone change l'horizon du projet

Courant 2010, une bonne nouvelle va transformer cette tâche titanesque en projet beaucoup plus réalisable. En juillet, Microsoft annonce un nouvel OS mobile. Une plateforme vierge de toute concurrence où .NET règnera en maître. « Sur PC, les attentes étaient énormes. Les gens comparent tout de suite avec Flight Simulator ou X-Plane ». Des pointures installées depuis des années dont les marques sont presque indétrônables. « Il y avait aussi déjà un X-Plane sur iOS », mais comme il est de notoriété publique qu'Austin Meyer - son créateur - déteste le .NET, les probabilités de portage étaient nulles. Philippe ROLLIN et Matthieu LABAN se disent que l'occasion est trop belle de faire plus simple et plus monétisable sur Windows Phone 7.

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Matthieu LABAN et Philippe ROLLIN, les DAFT PUNK du .NET

Problème, il n'existe pas de moteur physique entièrement en .NET. À part BEPU, une solution assez confidentielle. « C'est vachement bien fait. Ce n'est pas de la 2D, c'est vraiment de la 3D et c'est super optimisé », se réjouit encore le Lyonnais qui l'utilise encore aujourd‘hui dans Infinite Flight. L'outil est idéal pour le projet mais il n'est pas gratuit. Et surtout, « sa première licence était assez compliquée, elle proposait un genre de tarif dégressif en fonction des ventes ».

Là encore, les évènements vont tourner en faveur de nos deux aviateurs. BEPU change de licence puis devient finalement open source. « C'était parfait pour nous ! D'ailleurs on va lui faire une donation vu le temps que ça nous a fait gagner. Moi, je n'avais vraiment pas envie d'implémenter ça ».

En revanche, Matthieu LABAN va mettre les mains dans le cambouis mathématique.

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Formule du coefficient de portance

Alors ? Comment... ça... marche ?

« Le calcul des forces, c'est notre partie à nous. BEPU, lui, a une forme d'avion primitive avec des boites et des roues. C'est au sol, et c'est tout.

Nous, on donne à BEPU toutes les forces, là où il faut, au moment où il faut, en fonction de l‘angle d'attaque. Typiquement, il y a une force à l'avant pour faire avancer l'avion (NDR : la poussée). Plus il y a de puissance, plus ça tire. Au bout d'un moment, il y a de l'air qui arrive sur les ailes. On calcule la vitesse horizontale au niveau de l'aile (en fait on demande au moteur physique quelle est la vitesse à tel endroit). Moi, ce que j'ai, c'est donc la vitesse, un angle d'attaque que je détermine, je regarde les autres paramètres comme la courbe de lift des ailerons et avec tout ça je sors une portance (NDR : une force verticale donc) que je remets dans le moteur physique.

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Toute cette partie de calcul des forces c'est nous qui la gérons. Ça parait compliqué mais franchement ça ne l'est pas. Moi je suis nul en math, et pourtant c'est ma partie, donc bon… Il suffit de prendre les formules de physiques toutes bêtes (sur Wikipédia par exemple) qui te disent comment calculer la portance en fonction de l'angle d'attaque et des paramètres des ailes ».

En fait, c'est un aller et retour permanent entre le moteur physique et les formules qui fait voler l'avion. BEPU simule et exporte les vitesses, la partie développée par les deux Français lui renvoie des forces. Le moteur physique extrapole et exporte à nouveau, le simulateur lui redonne les forces actualisées, etc. « C'est marrant, mais ça marche pas trop mal… », rigole Matthieu LABAN.

Avec un moteur physique et une méthode de calcul des forces solides, le ciel se dégage pour le projet qui prend un virage serré pour, du jour au lendemain, quitter les tours des PC pour viser les Smartphones. À partir d'octobre 2010, les deux compères codent toujours le soir, en plus de leurs journées de travail et de leurs vies de famille.

V 1, Rotate !

Six petits mois plus tard, Infinite Fight décolle pour la première fois sur Windows Phone.

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Le pari d'un « vrai » simulateur sur téléphone restait tout de même risqué. La concurrence était faible, certes, mais les téléphones se prêtaient a priori plus aux jeux d'arcade, sans prétention de réalisme, comme en témoigne la multitude de titres de ce type sur les galeries d'applications. « Nous on s'est dit, en lisant une interview d'Austin Meyer qui parlait du succès de son X-Plane sur iPhone, que s'il y arrivait, c'est qu'il y avait un marché. Il devait y avoir des gens intéressés. Alors autant être les premiers sur Windows Phone et voir ce que ça pouvait donner ».

Deux ans plus tard, force est de constater que le pari est gagné. Aussi bien par la qualité du jeu que par les revenus qu'il génère pour les deux Français.

« Je gagne plus que le salaire américain que je touchais avant »

À peine un an après le décollage, Matthieu LABAN quitte son emploi salarié en janvier 2012 pour se consacrer à temps plein à l'usine à gaz qu'est le portage sur iOS. Un grand saut dans l'entrepreneuriat dont il peut se féliciter aujourd'hui. Sa société Flying Development Studio est particulièrement rentable. « Je gagne plus que le salaire américain que je touchais avant », avoue-t-il timidement.

Un jackpot qu'il doit à des taxes sur les sociétés moins élevées aux États-Unis qu'en France et beaucoup à… Apple.

Mais tout n'est pas tombé tout cuit du ciel et si le projet a été initié grâce à Windows Phone, c'est bien iOS qui nourrit les deux développeurs.

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Une approche de A10 sur un iPad Retina (les feux de la piste sont visibles dans le fond de l'image)

Retour en août 2011. Les ventes sur Windows Phone ne décollent pas. La nécessité d'une version sur un autre appareil commence à se faire sentir. L'idée première des deux Lyonnais était de faire voler le simulateur vers la Xbox 360. Mattieu commence alors le travail sur les commandes (plus question d'utiliser le tactile ou l'accéléromètre) et sur le scalling (pour réadapter les images à la résolution d'une télévision). Concrètement, « on a réalisé l'interface dans Expression Blend, et on a ajouté le code XAML en ressource du jeu. Au runtime, on parse le fichier, et on crée une structure interne de contrôles (grids, buttons, lists, sliders, etc.) qu'on positionne en fonction de la résolution de l'écran et qu'on rend avec un code propre à chaque contrôle, explique Matthieu LABAN. En gros, c'est comme recoder des bouts de WPF ou Silverlight en XNA/OpenGL ».

Une correspondance chaotique vers iOS et des ajouts à MonoGame

À une semaine de la sortie, tout fonctionne bien. Mais comme son associé était en vacances en France, Matthieu LABAN se dit qu'en attendant son retour, il pourrait essayer Mono et MonoGame, deux projets qui l'intéressaient mais auxquels il n'avait pas pu consacrer de temps. « J'ai acheté MonoTouch pour voir ce que la compilation pouvait donner. J'ai ouvert le projet Visual Studio avec MonoDevelop (NDR : l'EDI qui utilise l'add-on MonoTouch) et j'ai procédé par élimination pour voir ce qui empêchait de bien compiler ».

Au bout de quelques jours, les menus fonctionnent sur iOS. Mais les parties 3D, elles, posent problème. Pour le résoudre, Matthieu ne fait alors pas dans la demi-mesure. Il prend MonoGame et le complète. Tout simplement. Ses implémentations ont depuis été reversées dans le tronc commun du projet open source et sont en cours de validation. « J'ai fait le portage en OpenGL ES1 et Philippe a tout repris pour faire la transition à OpenGL ES 2.0, précise Matthieu LABAN. Ça a été un boulot énorme, avec les shaders, tout ça… ».

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Le portage vers iOS commence en octobre 2011 et est achevé vers la mi-février. Après un mois de certification ubuesque du côté de chez Apple, la Release pour iPhone, iPad et iPod sort pour la première fois en mars.

Curieusement, alors que la présence de X-Plane sur iOS avait poussé les deux Français à se lancer sur Windows Phone, en mars 2012, ce concurrent ne leur fait plus peur. « Parce que je ne le trouve pas terrible. Et visiblement je ne suis pas le seul quand on voit les commentaires ». Matthieu a la dent dure sur un simulateur qui, même sur PC, est loin d'être son préféré. « Face à Flight Simulator ça aurait été très différent. Mais là, avec les contrôles de X-Plane pour iOS qui ne sont pas intuitifs et le rendu graphique qui n'est pas mis à jour, il y avait de la place ».

Un autre élément joue en la faveur d'un nouvel entrant sur l'App Store : la collectionnite des amateurs du genre. « Quand on est fan de simulations, on a presque la collection entière. Il y a des titres qu'on préfère, mais on les a tous ». Les plateformes mobiles n'ont pas fait exception. Nombreux sont les passionnés qui ont aujourd'hui à la fois X-Plane et Infinite Flight sur leurs appareils Apple.

«  Une journée sur l'App Store gagne plus qu'un mois sur le Windows Phone Marketplace  »

Beaucoup plus lucratif, ce portage sur iOS assure donc le succès financier de l'entreprise. Car si, sur les deux plateformes confondues, l'application a été téléchargée plusieurs dizaines de milliers fois, ce succès n'est pas nécessairement signe de réussite économique. « Sur Windows Phone, on a beaucoup de Trial (NDR : version gratuite limitée), mais quand on regarde bien, on n'a que 10 % de conversion ».

À l'inverse, la version pour iOS a transformé Infinite Flight en jackpot. « En une journée sur l'App Store, on gagne plus qu'un mois sur le Windows Phone Marketplace », constate un Matthieu LABAN qui avoue pourtant avoir au départ une certaine défiance vis-à-vis d'Apple. Pourtant, l'application ne figure pas dans le Top 400 de l'App Store (pour une raison étrange, Apple ne la met pas en avant alors que d'autres, beaucoup moins téléchargées, le sont régulièrement et atteignent des sommets. « Je n'ose même pas imaginer ce que gagnent ces développeurs-là », souffle Matthieu).

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Le bureau de développeur de Matthieu LABAN

Du côté des salons, la version Xbox - à laquelle il ne manque qu'une semaine pour être finalisée - est purement et simplement abandonnée. « Comme on n'est pas Xbox Arcade ou je ne sais quoi, on aurait été caché derrière les gros titres Xbox Live ». Et les revenus auraient été faibles.

Ces rentrées complémentaires auraient cependant pu justifier une dernière petite semaine de travail. Mais la perspective de passer du temps à assurer un support et à répondre aux mails des joueurs en échange du peu de retombées escomptées a eu raison du projet.

Pour autant, Matthieu reste un défenseur - non partisan - de Microsoft. Notamment de sa plateforme mobile. « C'est beaucoup plus simple. Pour enregistrer un ‘developeur device' par exemple, c'est tout bête. Alors qu'avec Apple, c'est une catastrophe. On ne comprend rien, retient-il de son expérience. Après, c'est vrai aussi que je suis fan de l'EDI de Microsoft. Je le trouve génial ».

Pour la petite histoire, c'est pourtant en développant pour Apple que la version Windows Phone s'est améliorée de manière significative. « Quand on a fait la version iOS, il a fallu prendre en compte l'iPod Touch. C'est l'appareil sur lequel Infinite Flight devait tourner qui a le processeur le plus faible. Ça nous a poussés à pas mal optimiser le code et par ricochet, les performances sur Windows Phone ont augmenté ».

MonoGame étant l'implémentation à interface identique de XNA, le passage par la case Apple et l'implémentation du contenu de MonoGame a même permis à Matthieu LABAN de mieux comprendre comment l'intérieur de XNA pouvait fonctionner.

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De nouveaux aéronefs pour allonger la durée de vol du simulateur

Pour continuer à développer leur société, Matthieu LABAN et Philippe ROLLIN se concentrent aujourd'hui sur de nouveaux appareils à ajouter au simulateur. « On s'est dit dès le départ, les avions on verra plus tard. Sinon on ne sortira jamais le jeu ». Une manière également de rentabiliser l'application dans le temps avec des aéronefs supplémentaires à 2.99 $ l'unité.

Au départ ces appareils ont été modélisés par Matthieu lui-même (et un de ses amis) en s'appuyant sur les trois vues - haut, côté, face - rentrées dans un éditeur de modèles 3D. « On trouve ces vues sur le Web, et on compare ensuite avec des photos pour affiner le résultat ». Le SR 22 et le Super Decathlon ont été réalisés avec cette méthode.

Depuis, les modèles sont commandés à des prestataires sur un site marchand spécialisé. Mais « le problème d'acheter tout fait, c'est qu'il peut y avoir 15 000 textures sur un avion - avec une texture par chaque boulon en 2048 par 2048 - et là ton téléphone, il meurt », rigole Matthieu. Il a donc fallu trouver un prestataire de confiance qui travaille à la commande.

Cette perle rare, les deux développeurs français l'ont trouvée dans la personne d'un alter ego inversé : un ingénieur de maintenance de KLM passionné d'informatique qui, sur son temps libre, « fait des modèles de super qualité, sur mesure, avec une ou deux grosses textures par avion ».

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L'A380 dans Infinite Flight

Mais, ces avions à 2.99 $ posent problème du côté de Windows Phone 7 et 7.5. L'OS ne permet pas le « In App Purchase ». Résultat, c'est la version iOS qui est la plus fournie avec 16 appareils contre seulement 13 pour la boutique de Microsoft. Cette dernière devrait cependant rattraper son retard puisque Windows Phone permet l'achat directement depuis une application.

Côté Apple, si le « IAP » existe, c'est un autre type de complication qui a posé problème. Et qui a nécessité plus d'un mois de validation entre le gel du code mi-février 2012 et la sortie officielle fin mars.

Un mois de validation ubuesque sur l'App-Store

La première version devait en effet arriver avec les IAP. Tout le système de vérification des achats - qui s'appuie sur Windows Azure - fonctionnait à merveille. « Malheureusement, mon code plantait chez Apple. Ça a bloqué un mois à la validation à cause d'un bogue qu'aucun des 30 bêta-testeurs n'avait connu, se rappelle Matthieu. Dès l'écran de départ, ça crashait. Ce n'était tout simplement pas possible. Les boutons ne faisaient pas grand-chose d'autre que de changer des booléens ! ».

Une semaine plus tard, Apple le recontacte. Mauvaise nouvelle. À présent, l'application plante toute seule. Sans rien faire. « En fait c'était la connexion à leur réseau qui créait le problème. Le truc impossible à diagnostiquer ! Même un ami qui bosse chez Apple à qui j'avais envoyé l'appli n'a pas pu le reproduire. À la fin on s'est dit qu'on mettrait les avions plus tard ».

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Un plan de vol dans Infinite Flight

Pour continuer le développement en parallèle, Matthieu LABAN pense à faire une version « light » qui lui a permis de faire plusieurs validations du système d'IAP sans pour autant bloquer les certifications de la version principale. « Comme ça j'avais deux streams de validations », sourit-il.

Infinite Flight sur iOS sort donc avec cinq aéronefs en natif. Depuis, tout est rentré - miraculeusement - dans l'ordre. Sans que l'on sache vraiment où était l'erreur.

Sur ce business model complémentaire qui s'appuie sur la vente d'avions, les deux développeurs ont essuyé quelques critiques. « On nous avait prévenus. Il y a toujours des gens qui veulent que tout soit gratuit, regrette Matthieu. On essaye le plus possible de répondre aux remarques. On explique qu'un avion c'est en moyenne 50 heures de vol supplémentaires, qu'intégrer de nouveaux appareils c'est beaucoup de travail. L'A 340, par exemple, nous a pris deux mois entre la commande et l'intégration dans le jeu ». Au final, la plupart des joueurs comprendraient. « Surtout quand ils se rendent compte que Flying Development Studio c'est deux personnes et pas une grosse structure comme ils le pensent souvent au départ ».

L'achat de modélisations sur mesure ne dispense en effet pas d'un travail important pour les rendre exploitables par le moteur physique.

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« Nous en gros on sépare l'avion en surfaces volantes (les ailes), détaille Matthieu. Ces surfaces sont ensuite divisées en grosses sections (les volets, les flaps, etc.) puis on ajoute des coupes de portance au début et à la fin de la section. Ensuite on interpole le tout dans le moteur physique ».

«  Augmenter les prix fait fuir les râleurs…  »

Il reste bien sûr des mécontents. « Mais c'est un petit pourcentage, relativise le développeur à qui un ami a donné un conseil : « Ne regarde pas les râleurs, regarde tes chiffres » ».

Un conseil qui, visiblement, fonctionne bien. « Nous, on ne veut pas arnaquer nos clients. La vraie valeur d'un avion c'est au minimum 3 $. Mais au début, on a eu peur que ce soit trop cher. Alors on l'a mis à 1 $... Et on s'est fait allumer », regrette-t-il.

Suite au conseil de leur ami, les deux développeurs prennent la décision de passer les avions à 2,99 $. Et le taux de critiques a chuté. « Certains nous envoient même des mails pour payer plus ou nous proposer de l'argent pour intégrer de futurs modèles ! ».

Et maintenant Android ? Peut-être  mais plus d'avions, le multi-player et les nuages d'abord

La suite logique de l'aventure Infinite Flight devrait - pensait-on - être l'arrivée d'une version pour Android.

Pas si sûr. Le potentiel de monétisation ne convainc en effet pas encore totalement le chef d'entreprise.

« Déjà, aujourd'hui, on n'a pas besoin d'Android pour vivre, constate-t-il. Et puis certes, chaque jour 900 000 terminaux sont activés (NDR : en fait 1,3 million), mais dans le tas, combien y en a-t-il qui n'ont pas un hardware trop faiblard qui peut supporter le jeu et que je peux cibler ? ».

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Le HUD sur lequel Matthieu LABAN travaille actuellement (sept 2012)

Sa priorité actuelle reste d'ajouter des avions et d'améliorer le rendu global. Chose que la version 8 de Windows Phone va permettre de faire rapidement avec l'arrivée des shaders. « Sans les shaders, des fois, on doit se plonger dans des tutoriels de 1999 ou 2000, s'étonne encore Matthieu LABAN, avec, on va vraiment pouvoir améliorer les rendus du ciel, du terrain et des brouillards ».

Autre priorité en tête de sa liste, l'ajout d'un vrai mode multi-player via Internet « pas comme celui de X-plane qui permet de ne voler à plusieurs que si les joueurs sont dans la même pièce à portée de Wifi ».

Pour autant, Matthieu LABAN ne ferme pas totalement la porte à la plateforme de Google.

« J'ai un Galaxy Nexus avec Ice Cream Sandwich. Alors, oui. J'aimerais bien. Peut-être. Mais on a passé tellement de temps sur le portage vers iOS. C'est un peu une session de débogage qui n'en finit jamais. On n'a pas trop envie de repartir là-dedans, avoue-t-il sans détour. En fait, la décision sera très liée à ce que MonoGame fera avec notre code. S'ils le réintègrent et que ça fonctionne bien, on pourra y aller en se disant que ce sera plus simple ».

Depuis, Matthieu LABAN et Philippe ROLLIN ont commencé ce portage. Mais ils rencontrent déjà de nombreux plantages inexpliqués. « Il va falloir qu'on voie avec Xamarin… ».

Un possible successeur de Flight Simulateur sur PC de bureau

Au final, c'est une autre version qui pourrait faire du bruit. Optimisé, léger, complet - et surtout prêt - « le jeu marche sur Windows, avec des joysticks (NDR : le Saitek AV8R et le Logitech Extreme 3D Pro). Je l'ai sur mon ordi à la maison », révèle Matthieu LABAN.

Pour l'instant, les deux Français n'ont pas l'intention de sortir cette version Windows.

Mais l'arrivée de Windows 8 pourrait changer la donne. « Si XNA fonctionne sur Windows 8 (NDR : ce qui ne semble pas être le cas), on verra. Sinon il faudra repasser par MonoGame pour WinRT… ». Une perspective qui n'enchante pas particulièrement le développeur. Mais comme il n'est pas plus emballé par Microsoft Flight - annulé par ailleurs depuis fin juillet - que par X-Plane, Windows 8 et son Marketplace pourraient devenir la prochaine piste d'atterrissage d'Infinite Flight.

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Mais que les passionnés ne s'enflamment pas.

Le passage sur Windows 8 pourrait viser d'abord - voire uniquement - les tablettes et Windows RT (nouveau Windows pour les architectures ARM). Pour des raisons simples. « Avec Windows RT, il y aura une ou deux résolutions, le support sera assez aisé vu la proximité avec Windows Phone, et le hardware sera standardisé ».

À l'opposé, gérer le simulateur sur Windows 8 Pro ne sera pas tâche facile vu « la diversité des drivers et des cartes graphiques, les tailles d'écran, la présence d'un joystick ou pas ». Une diversité qui met également des freins à une version Mac. « Les Mac Book Air c'est du Intel. Les Mac Book Pro c'était du ATI, aujourd'hui c'est du NVIDIA », explique Matthieu LABAN.

Mais cette version pour bureau, même si elle n'est pas en phase d'approche imminente, reste visiblement dans un coin de l'esprit du développeur. « On va regarder de près comment commence Windows 8… et on verra », conclut-il. Ne serait-ce pas la plus belle manière de boucler la boucle - avec un looping parfait - pour un projet dont l'inspiration initiale était d'être le nouveau Flight Simulator ?

II. Liens de téléchargements

III. Petit extra

N.B. Un autre petit jeu, Final Approach, est également au catalogue de Flight Development Studio. Très basique, il s'agit en fait d'un essai réalisé avant le simulateur pour prendre en main la plateforme. Il n'a strictement rien à voir avec la qualité ou la maturité d'Infinite Flight.

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Un A380 dans un A380 entre LAX et CDG

IV. Remerciements

Merci à Matthieu LABAN d'avoir répondu aux questions. Merci à ClaudeLELOUP pour sa relecture.

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