
Aux parents désireux de préserver le bien-être de leur progéniture
À l’aube du 21ème siècle, l’avènement des smartphones a marqué un tournant dans la manière dont nous interagissons avec le monde. Ces appareils, qui tiennent dans la paume de notre main, sont devenus des portails vers un univers d’informations et de connexions. Si l'essor des smartphones a transformé de nombreux aspects de notre vie quotidienne, cette révolution technologique est sujette à débats, surtout lorsqu’il s’agit de nos enfants. L’opérateur de réseau mobile britannique EE suggère de « ne pas donner de smartphones aux enfants de moins de 11 ans » afin de préserver leur bien-être. C’est une sortie qui fait néanmoins suite à des avis selon lesquels l’exposition à l’écran n’a aucun effet sue le bien-être des enfants.
EE met en garde contre l'idée de donner un smartphone aux enfants de moins de 11 ans. Selon l’opérateur de téléphonie mobile britannique, les enfants de cette tranche d'âge sont mieux servis par un appareil aux capacités limitées, comme un téléphone qui ne permet que d'appeler et d'envoyer des SMS. Les smartphones sont acceptables pour les enfants âgés de 11 à 13 ans, mais le contrôle parental est indispensable, l'accès aux médias sociaux doit être limité et une application de partage familial comme Apple Family Sharing ou Google Family Link est vivement conseillée.
Les adolescents âgés de 13 à 16 ans disposent d'une marge de manœuvre un peu plus grande, selon EE, qui recommande néanmoins de mettre en place un contrôle parental pour limiter l'accès aux sites inappropriés. L'accès aux médias sociaux est acceptable, mais EE recommande de lier les comptes à ceux d'un parent ou d'un tuteur afin d'assurer une surveillance adéquate.
Jonathan Haidt, éminent psychologue social et professeur d’éthique, tire la sonnette d’alarme et nous exhorte à mettre fin à ce qu’il appelle une « enfance basée sur le téléphone »
Selon Haidt, depuis le début des années 2010, une détérioration soudaine et alarmante de la santé mentale des adolescents a été observée. Les taux d’anxiété, de dépression, d’automutilation et de troubles connexes chez la Génération Z (nés en 1996 et après) sont plus élevés que pour toute autre génération précédente. Haidt attribue cette tendance à la pénétration omniprésente des smartphones, qui ont permis aux jeunes d’emporter tout l’internet dans leur poche, accessible jour et nuit, modifiant ainsi leurs expériences quotidiennes et leurs parcours de développement cognitif et émotionnel.
« En tant que psychologue social ayant longtemps étudié le développement social et moral, je participe depuis des années à des débats sur les effets de la technologie numérique. Généralement, les questions scientifiques ont été formulées de manière assez étroite, afin qu'il soit plus facile de les traiter avec des données. Par exemple, les adolescents qui consomment davantage de médias sociaux présentent-ils des niveaux de dépression plus élevés ? L'utilisation d'un smartphone juste avant le coucher nuit-elle au sommeil ? La réponse à ces questions est généralement positive, bien que la taille de la relation soit souvent statistiquement faible, ce qui a conduit certains chercheurs à conclure que ces nouvelles technologies ne sont pas responsables de l'augmentation gigantesque des maladies mentales qui a commencé au début des années 2010 », souligne Jonathan Haidt.
Haidt souligne également que les changements dans l’enfance ont commencé bien avant, dans les années 1980. Le psychologue met en lumière un autre aspect souvent négligé : la diminution progressive de l’autonomie et des expériences de jeu non supervisées chez les enfants. Depuis les années 1980, nous avons assisté à une surprotection croissante, privant les jeunes de la liberté d’explorer et de prendre des risques. Cette tendance, couplée à l’attrait des écrans, a créé un environnement où les interactions virtuelles supplantent les expériences réelles, essentielles au développement de compétences sociales et émotionnelles robustes.
L’avènement des smartphones a accéléré ce changement, attirant une génération déjà privée d’indépendance dans un nouvel univers virtuel qui semblait sûr aux yeux des parents, mais qui est en réalité plus dangereux, à bien des égards, que le monde physique :
« L'intrusion des smartphones et des médias sociaux ne sont pas les seuls changements qui ont déformé l'enfance. Il existe un historique important, qui remonte aux années 1980, lorsque nous avons commencé à priver systématiquement les enfants et les adolescents de liberté, de jeux non surveillés, de responsabilités et de possibilités de prendre des risques, autant d'éléments qui favorisent la compétence, la maturité et la santé mentale. Mais le changement dans l'enfance s'est accéléré au début des années 2010, lorsqu'une génération déjà privée d'indépendance a été attirée dans un nouvel univers virtuel qui semblait sûr aux parents, mais qui est en fait plus dangereux, à bien des égards, que le monde physique.
Je pense que la nouvelle enfance basée sur le téléphone, qui a pris forme il y a environ 12 ans, rend les jeunes malades et les empêche de s'épanouir à l'âge adulte. Nous avons besoin d'une correction culturelle radicale, et ce dès maintenant. »
« Non, l'exposition à l'écran n'a aucun effet sur le bien-être des enfants », d’après une étude sur le lien entre l’utilisation des technologies et le bien-être des enfants
L'étude, publiée dans Nature Human Behavior, montre que l'impact de l'utilisation des écrans sur le bien-être social et psychologique des enfants a été fortement exagéré, notamment à cause d'une utilisation de méthodes d'analyse moins rigoureuses. « L'utilisation généralisée des technologies numériques par les jeunes a suscité des spéculations selon lesquelles leur utilisation régulière aurait un impact négatif sur le bien-être psychologique. Les preuves empiriques soutenant cette idée sont largement basées sur des analyses secondaires d'ensembles de données sociales à grande échelle. Bien que ces ensembles de données constituent une ressource précieuse pour les enquêtes très puissantes, leurs nombreuses variables et observations sont souvent explorées avec une souplesse analytique qui permet de déterminer les effets mineurs comme statistiquement significatifs, ce qui peut conduire à des résultats faussement positifs et contradictoires », explique Andrew Przybylsk, auteur principal de l'étude.
Les chercheurs d'Oxford exposent les pièges des méthodes statistiques utilisées dans les études précédentes et proposent une alternative « pour examiner de manière rigoureuse les preuves corrélationnelles des effets de la technologie numérique sur les adolescents. » Et surtout, ils utilisent trois ensembles de données sociales à grande échelle, avec au total plus de 350 000 adolescents, pour montrer de manière convaincante que, au niveau de la population, l’utilisation de la technologie a un effet presque négligeable sur le bien-être psychologique des adolescents. L'impact de l'utilisation des technologies numériques est mesuré à l’aide de tout un tas de questions portant sur les symptômes dépressifs, les idées suicidaires, le comportement social, les problèmes de relations entre pairs, etc.
À la fin, les chercheurs découvrent que l'utilisation des technologies numériques n'a presque aucun effet sur le bien-être des enfants. « L'association que nous trouvons entre l'utilisation de la technologie numérique et le bien-être chez les adolescents est négative, mais petite », disent-ils. L'utilisation de la technologie explique en effet « au plus 0,4 % la variation du bien-être. La prise en compte du contexte plus large des données suggère que ces effets sont trop faibles pour justifier un changement de politique », ont-ils conclu. Pour mettre en évidence ce que représentent ces 0,4 %, les chercheurs d'Oxford expliquent que l’utilisation de la technologie numérique est aussi nocive que la consommation de pommes de terre, tandis que le port de lunettes a un effet négatif plus important sur la santé mentale des adolescents.
Non, donner un smartphone à un effet n'a pas le même effet que lui donner un gramme de cocaïne ! Les parents peuvent donc pousser un ouf de soulagement sur la base de la nouvelle étude. Elle montre en effet que la consommation de la marijuana et le harcèlement présentaient des associations négatives beaucoup plus importantes pour la santé mentale des adolescents (à 2,7 % et 4,3 % respectivement dans l'un des ensembles de données). Et certains comportements positifs, comme dormir suffisamment et prendre régulièrement le petit-déjeuner, étaient beaucoup plus étroitement associés au bien-être que l'utilisation de la technologie. Même en se basant des données qui ont permis à d'autres chercheurs de dire que l'utilisation des technologies est dangereux pour les enfants, nos chercheurs d'Oxford maintiennent leur conclusion : le temps passé devant un écran ne nuit pas du tout aux enfants. Ce qui indique qu'il y avait un problème de rigueur d'analyse dans les études précédentes.
Cela dit, les chercheurs n'encouragent pas les parents à donner immédiatement des smartphones à leurs enfants. L'étude montre que, dans l'ensemble de la population, les écrans n'ont pas vraiment d'impact sur la santé mentale des enfants. Cela ne veut pas dire qu'un adolescent ne risque pas d'avoir un problème d'addiction aux écrans. Il est donc toujours important de contrôler leur usage des technologies numériques.
Source : EE
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