Alors que l'interdiction de TikTok aux États-Unis se rapproche, un accord que l'application a envoyé au gouvernement américain en 2022 refait surface. Il est connu sous le nom de Project Texas et certains détails viennent d'être révélés par un rapport du Washington Post. Il indique que TikTok envisageait de laisser les fonctionnaires fédéraux choisir le conseil d'administration de ses activités américaines, donner à la Maison Blanche un droit de veto sur chaque nouvelle embauche et qu'elle paierait une entreprise américaine sous contrat avec le département de la Défense pour contrôler son code source. Mais ce n'est pas tout.
TikTok aurait même proposé de donner aux fonctionnaires fédéraux un "kill switch" (bouton d'arrêt) qui fermerait l'application aux États-Unis s'ils estimaient qu'il restait une menace. Le rapport cite une copie de la proposition adressée par TikTok au gouvernement américain en 2022. En somme, l'accord aurait permis aux États-Unis de faire plusieurs choses :
- examiner profondément le code source de TikTok ;
- s'assurer que les serveurs hébergeant les données des Américains sont basés aux États-Unis ;
- disposer d'un bouton d'arrêt des opérations de TikTok aux États-Unis.
L'offre comprenait des dispositions étendues qui n'avaient jamais été proposées au gouvernement par une entreprise privée, y compris par les entreprises américaines du même secteur que TikTok, telles que Google et Facebook. Selon certains analystes, le plan aurait largement empêché les dirigeants internationaux de ByteDance, y compris au siège de Pékin, de prendre des décisions sur l'activité américaine et aurait isolé la plupart des fonctionnalités de l'application américaine dans une filiale discrète soumise à la surveillance étroite de Washington. La proposition rappelle les rapports entre Twitter et le FBI.
Mais la Maison Blanche a décliné la proposition de TikTok. Le gouvernement américain n'a jamais expliqué publiquement pourquoi il avait rejeté l'offre de TikTok, optant plutôt pour une bataille juridique potentiellement longue dont beaucoup s'attendent à ce qu'elle se termine devant la Cour suprême. Il a apporté son soutien à un projet de loi du Congrès visant à forcer la vente de la plateforme de partage de vidéos à un propriétaire américain. Un source de Washington a déclaré que l'administration avait estimé que l'offre était "insuffisante" pour répondre aux graves risques de sécurité nationale posés par TikTok.
« Bien que nous ayons toujours discuté avec l'entreprise de nos inquiétudes et des solutions possibles, il est apparu clairement que le désinvestissement de sa propriété étrangère était et reste nécessaire », a ajouté ce haut fonctionnaire de Washington. Cette révélation soulève de nombreuses questions sur le choix du gouvernement américain. Elle soulève la question de savoir si la Maison Blanche a préféré soutenir une vente forcée de TikTok à un acteur local alors qu'elle disposait d'un moyen de répondre à ses préoccupations en matière de sécurité nationale, pour lesquelles il n'y a toujours pas de "preuves concrètes".
Anupam Chander, professeur de droit à l'université de Georgetown, qui étudie la politique internationale en matière de technologie, affirme que la décision du gouvernement n'a pas été motivée par les conditions techniques de l'accord, mais par le fait que l'application appartient à une entreprise chinoise, ByteDance. Chander explique : « le gouvernement a rejeté la possibilité d'une quelconque réglementation ou mesure de cybersécurité. TikTok a proposé une gamme incroyable de protections, mais rien de tout cela n'a eu d'importance ». D'autres critiques affirment que le rejet de cette offre est le signe d'une hystérie.
« Dans l'esprit du gouvernement, la question n'était pas : "cette application peut-elle être protégée ? C'était : "il y a un propriétaire chinois". C'est ce qui a sonné le glas », a ajouté Chander. Le gouvernement américain fait l'objet de critiques en ce qui concerne la direction qu'il a choisie. Selon certains critiques, il n'y a aucune garantie sur le fait que l'acquéreur potentiel de TikTok répondra aux préoccupations des États-Unis en matière de sécurité nationale. Les problèmes tels que l'influence opaque de l'algorithme de recommandation de TikTok et la confidentialité des données ne seraient probablement toujours pas résolus.
En avril, le président américain Joe Biden a promulgué un projet de loi visant à forcer la vente de TikTok ou à l'interdire purement et simplement d'ici janvier 2025. TikTok a alors intenté un procès au gouvernement américain pour empêcher l'application de la loi, en invoquant les intérêts des utilisateurs américains de TikTok au titre du premier amendement. En d'autres termes, l'entreprise affirme que la loi viole le premier amendement en supprimant une plateforme que les Américains utilisent pour s'informer et s'exprimer. Les données indiquent que TikTok compte plus de 170 millions d'utilisateurs États-Unis.
Les tribunaux évaluent traditionnellement ces conflits en se demandant si le gouvernement poursuit un intérêt public impérieux par les moyens les moins restrictifs possibles. Selon certains experts juridiques, il sera probablement demandé au gouvernement d'expliquer pourquoi le projet Texas n'était pas une solution raisonnable pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité nationale. L'administration Biden n'a pas expliqué publiquement pourquoi la proposition était inadéquate, se contentant de dire que la possibilité d'une collecte de données ou d'une propagande chinoise à l'avenir méritait une réponse agressive.
Dans un communiqué, un porte-parole du ministère américain de la Justice (DOJ) a déclaré : « la loi répond à des préoccupations essentielles en matière de sécurité nationale d'une manière qui est compatible avec le premier amendement et d'autres limitations constitutionnelles. Nous sommes impatients de défendre cette loi devant les tribunaux ». Jodi Seth, porte-parole de TikTok, a rejeté les allégations du gouvernement américain, notant que la société s'était volontairement soumise à un examen rigoureux, notamment en ouvrant son code source à des inspecteurs externes pour un examen technique continu.
Seth a déclaré : « aucune autre plateforme de divertissement ou de médias sociaux n'offre un tel niveau de contrôle par des tiers, même si elles emploient un grand nombre de ressortissants étrangers et disposent de centres de développement dans le monde entier ». Malgré l'absence d'un accord avec le gouvernement américain, TikTok a adopté un certain nombre d'éléments de la proposition de 2022, déclarant dans son dossier juridique avoir dépensé plus de 2 milliards de dollars pour résoudre les préoccupations exprimées par les partisans de la législation sur la vente forcée ou l'interdiction aux États-Unis.
TikTok a transféré les équipes chargées de superviser les informations sur les utilisateurs américains, la sécurité et la modération des contenus dans une filiale américaine, US Data Security, qui emploie désormais plus de 2 000 personnes. Selon l'entreprise, presque tous sont américains, à l'exception de quelques douzaines de travailleurs britanniques et australiens embauchés pour assurer une assistance permanente. TikTok a aussi transféré les données des utilisateurs américains vers des serveurs gérés par Oracle. Certains de ses efforts auraient toutefois été entravés par la réticence du gouvernement américain à s'engager.
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Les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité nationale sont-elles fondées ? Ou est-ce un simple alibi ?
Une vente forcée de TikTok permettrait-elle de répondre aux préoccupations des États-Unis en matière de sécurité nationale ?
Quels auraient été les impacts potentiels si le gouvernement américain avait accepté les propositions de TikTok ?
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