En juin dernier, alors que X était encore Twitter, Elon Musk a annoncé que le mot « cisgenre » (et sa version raccourcie « cis ») pourrait bientôt rejoindre la liste des termes interdits sur la plateforme. Selon lui, il s’agit d’une insulte envers les personnes dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.
La décision d’Elon Musk faisait suite à la plainte d’un internaute, James Esses, qui se disait victime de harcèlement de la part « d'activistes trans » qui l’auraient traité de « cis ».
Hier, après avoir posté un Tweet disant que je rejetais le mot « cis » et que je ne souhaitais pas être appelé comme ça, j'ai reçu une multitude de messages d'activistes trans qui m'appelaient « cissy » et me disaient que je suis « cis » « que j'apprécie ou pas ».
Imaginez si les rôles étaient inversés.
Imaginez si les rôles étaient inversés.
Elon Musk a alors réagi en affirmant que les mots « cis » ou « cisgenre » sont considérés comme des insultes sur Twitter et que leur emploi pourra entraîner une suspension temporaire du compte.Yesterday, after posting a Tweet saying that I reject the word ‘cis’ and don’t wish to be called it, I receive a slew of messages from trans activists calling me “cissy” and telling me that I am ‘cis’ “whether or not I like it”.
— James Esses (@JamesEsses) June 20, 2023
Just imagine if the roles were reversed.
Un harcèlement répété et ciblé contre n'importe quel compte fera en sorte que les comptes harcelants recevront, au minimum, des suspensions temporaires.
Les mots « cis » ou « cisgenre » sont considérés comme des insultes sur cette plate-forme.
Les mots « cis » ou « cisgenre » sont considérés comme des insultes sur cette plate-forme.
X traite désormais le terme « cisgenre » comme une injure
Les médias ont rapporté mardi qu'en essayant de publier un message utilisant les termes « cisgenre » ou « cis » dans l'application mobile X, un avertissement s'affiche en plein écran : « Ce message contient un langage qui peut être considéré comme une insulte par X et pourrait être utilisé de manière préjudiciable, en violation de nos règles ». Il vous laisse alors le choix de continuer à publier le message ou le supprimer.
Et les médias de noter que « si des mots comme "cis" et "cisgenre" sont signalés, certaines insultes visant les Noirs, les transgenres et les juifs peuvent être publiées sans répercussion ».
Le terme «cisgenre» renvoie, selon Le Petit Robert, à toute personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance - par opposition aux personnes transgenres. Aussi, est considérée comme cis toute personne de sexe masculin se sentant homme, ou une personne de sexe féminin se sentant femme. Rien d’insultant pour qui que ce soit a priori.
Plusieurs sources pourraient être à l’origine du terme. Certains estiment que c’est le sexologue allemand Volkmar Sigush qui l’aurait employé en premier, dans un texte universitaire en 1991. D’autres, en revanche, affirment que son inventeur est nul autre que Carl Buijs, un homme trans néerlandais qui a tenté de conceptualiser l’inverse de « transgenre » en 1995. « Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de nom pour les personnes qui ne sont pas transgenres ? », se serait-il demandé, décidant ainsi d’introduire le terme cisgenre pour désigner les personnes dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.
Une sortie qui suscite la polémique
Cette prise de position a suscité de nombreuses critiques de la part des personnes transgenres et de leurs alliés, qui dénoncent une incompréhension et une injustice de la part du patron de Twitter. Ils rappellent que le mot cisgenre n’est pas une insulte, mais un simple constat de réalité. Ils soulignent également que les personnes transgenres sont souvent victimes de discriminations et de violences, et qu’elles ont besoin d’un espace d’expression et de soutien sur les réseaux sociaux.
Ashley St. Clair, une écrivaine, a tweeté (période pré-X oblige) :
La gauche est dans une spirale sur Elon Musk considérant "cis" comme une insulte valant une suspension.
Nous vous avions prévenu que si vous commenciez cette guerre contre la langue, en interdisant les mots parce qu'ils sont « haineux », vous auriez un réveil brutal quand quelqu'un qui ne fait pas partie de votre culte idéologique a le pouvoir d'interdire les mots.
Vos efforts pour corrompre la pensée par le langage ont créé ce précédent.
Nous vous avions prévenu que si vous commenciez cette guerre contre la langue, en interdisant les mots parce qu'ils sont « haineux », vous auriez un réveil brutal quand quelqu'un qui ne fait pas partie de votre culte idéologique a le pouvoir d'interdire les mots.
Vos efforts pour corrompre la pensée par le langage ont créé ce précédent.
« Elon Musk s'est engagé dans cet effort malhonnête et intrinsèquement bigot pour redéfinir ce terme depuis près d'un an. La liste de sa rhétorique et de son comportement haineux est trop longue pour être énumérée », a déclaré un porte-parole de GLAAD, un groupe de défense des LBGTQ à but non lucratif. « Cela semble être un autre des exercices sans fin de Musk pour satisfaire sa nouvelle base d'utilisateurs d'extrême droite de X - un autre signal codé, mais très clair, de l'entreprise que les personnes transgenres ne sont pas les bienvenues sur la plate-forme, et un autre indicateur fort pour les annonceurs que X n'est pas une plate-forme sûre pour leurs marques. »They won’t get suspended unless they do an egregious coordinated attack, but their post will see much less reach, as it will not be recommended to others
— Elon Musk (@elonmusk) June 22, 2023
Une annonce qui intervient deux mois après une modification de la politique relative aux « conduites haineuses »
L’annonce de Juin d’Elon Musk est intervenue d’ailleurs après un changement de cette politique sur le harcèlement des personnes transgenres. Depuis avril 2023, le réseau social ne sanctionne plus le fait de méconnaître le nouveau genre ou d’utiliser l’ancien nom d’une personne transgenre.
« Nous interdisons le ciblage d’autrui avec des insultes, clichés et autres contenus répétés visant à dégrader des personnes ou à renforcer les stéréotypes négatifs ou préjudiciables au sujet d’une catégorie protégée. Cela englobe le fait d’utiliser un genre incorrect pour les personnes transgenres, ou de s’adresser à elles avec leur ancien nom », indiquait la précédente version. La dernière phrase a désormais disparu, signifiant que le fait de méconnaître le nouveau genre ou d’utiliser l’ancien nom (deadname) d’une personne transgenre n’est plus sanctionné. D’après la Wayback Machine, ce changement remonte au 8 avril 2023.
La politique de lutte contre le harcèlement des personnes transgenres avait été mise en place en 2018. Son retrait a notamment été critiqué par l’association de défense des droits des LGBTQ, GLAAD, qui estime que ce changement est « le dernier exemple de la dangerosité de l’entreprise pour les utilisateurs et les annonceurs ». « Cette décision de faire reculer la sécurité des LGBTQ éloigne encore plus Twitter de TikTok, Pinterest et Meta, qui maintiennent tous des politiques similaires pour protéger leurs utilisateurs transgenres à un moment où le discours anti-transgenre en ligne conduit à la discrimination et à la violence dans le monde réel », a déclaré Sarah Kate Ellis, présidente de l’association.
Source : application mobile XNEW: @Twitter has quietly removed a section of its hateful conduct policy that aimed to protect transgender people from targeted misgendering and deadnaming. https://t.co/8jvO9U0PA0
— GLAAD (@glaad) April 18, 2023
Et vous ?
Avez-vous constaté cet avertissement lorsque vous avez tenté d'entrer le terme "cisgenre" sur l'application mobile ?
Quelle est votre réaction initiale à la décision de la plateforme X de considérer le terme “cisgenre” comme une injure ?
Comment pensez-vous que cette politique affectera la liberté d’expression et le dialogue sur les identités de genre sur les réseaux sociaux ?
En quoi la reconnaissance des termes liés à l’identité de genre est-elle importante pour les communautés LGBTQ+ ?
Pensez-vous que les plateformes de médias sociaux devraient avoir le pouvoir de définir quels termes sont considérés comme offensants ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
Quel impact cette décision pourrait-elle avoir sur les utilisateurs qui ne font pas partie de la communauté LGBTQ+ mais qui souhaitent soutenir l’inclusion et la diversité ?
Comment les plateformes de médias sociaux peuvent-elles équilibrer la protection contre le harcèlement et la discrimination tout en permettant une expression libre et ouverte ?
Quelles mesures les utilisateurs et les communautés peuvent-ils prendre pour contester des politiques qu’ils jugent injustes ou discriminatoires ?