
Pavel Dourov a accordé une interview au journaliste américain Tucker Carlson le mois dernier. Lors de l'interview, l'entrepreneur a abordé des points tels que les pressions exercées par le gouvernement russe sur son ancien réseau social VKontakte et qui l'ont poussé à quitter la Russie, la liberté d'expression et le rôle omniprésent des grandes firmes comme Apple et Google dans l'économie numérique. Il a évoqué les tentatives d'ingérence des gouvernements dans la gestion de Telegram et a semblé faire l'éloge du milliardaire Elon Musk, qui dit avoir racheté le réseau social X (ex-Twitter) pour garantir la liberté d'expression.
Entre Dourov et les Big Tech, ce n'est pas le grand amour. Bien que ses sorties publiques soient rares, il ne manque pas une occasion de critiquer ces grandes entreprises qui, selon lui, nuisent à l'idée d'un Internet libre et privé. Lors de l'interview, Dourov s'est plaint de l'hégémonie de Google et Apple. Il a déclaré que ce ne sont pas les gouvernements qui entravent le plus la liberté d'expression sur Internet, mais bien Apple et Google, qui contrôlent avec fermeté tous les interactions des utilisateurs avec leurs smartphones, y compris les applications qu'ils peuvent installer, les choses qu'ils peuvent lire, et bien d'autres.
D'après Dourov, ce sont les contrôles stricts mis en place par Google et Apple dans leurs magasins d'applications, respectivement Google Play Store et App Store, qui déterminent les plateformes que les gens peuvent utiliser pour communiquer "en toute liberté". Si l'on y réfléchit bien, presque toutes les personnes dans le monde qui ont téléchargé une application pour smartphone l'ont fait par l'intermédiaire de ces deux plateformes, ce qui représente un pouvoir énorme, à tel point que les gouvernements tentent de faire adopter des législations visant à retirer une partie de ce pouvoir à des entreprises telles qu'Apple et Google.

Il explique que les règles elles-mêmes sont assez générales, car il est évident qu'il ne doit pas y avoir de violence, de discrimination, de matériel pédopornographique accessible au public. Toutefois, Dourov a souligné que dans la pratique, l'interprétation de certaines règles peut être une source de divergences entre ces plateformes et les développeurs, y compris Telegram. Selon lui, parfois, Apple et Google sont d'accord, et c'est tout à leur honneur. Mais parfois, ils ne sont pas d'accord, et l'entreprise doit quand même retirer certains contenus, au moins dans la version de Telegram qui est distribuée sur leurs plateformes.

Selon Dourov, le gouvernement russe a demandé d'interdire les groupes organisant des manifestations, mais VKontakte a refusé. Il ne voulait prendre parti pour personne et prônait la liberté d'expression et de réunion. En 2013, les forces de sécurité et les autorités russes ont demandé à ce que leur soient communiquées les données personnelles des personnes ayant participé aux manifestations en Ukraine. Elles ont demandé des données sur les administrateurs des groupes soutenant Euromaidan. Dourov dit avoir été confronté à un choix : céder à ses principes ou vendre ses actions, quitter son poste de PDG et quitter le pays.
Il a choisi la seconde option. VKontakte, cofondé par Pavel Dourov en 2006, est ensuite passé sous le contrôle de magnats alignés sur le Kremlin et est aujourd'hui dirigé par le fils d'un initié du Kremlin. Selon lui, les rumeurs sur les liens de Telegram avec les autorités russes sont répandues et soutenues par des concurrents qui n'apprécient pas la croissance de l'audience de Telegram. Dourov a également affirmé que lors de sa dernière visite aux États-Unis, le FBI avait tenté de recruter secrètement l'un des développeurs de Telegram pour qu'il crée une porte dérobée dans la messagerie. Selon lui, la tentative du FBI a été déjouée.
Il convient de souligner que Telegram, qui se présente comme un outil de communication sûr et sécurisé, n'utilise pas le chiffrement de bout en bout par défaut pour les discussions communes privées et de groupe. Le chiffrement de bout en bout est uniquement disponible pour les appels et sa fonctionnalité "échange secret". Cependant, Telegram a récemment remis en cause la sécurité de Signal, un service open source de messagerie qui est entièrement chiffré de bout en bout. Dourov prévoit que Telegram, qui compte 900 millions d'utilisateurs actifs, franchira le cap du milliard d'utilisateurs mensuels actifs d'ici à un an.
En raison de son penchant pour la liberté d'expression, Dourov ne souhaite pas aller ouvrir des bureaux en Russie, aux États-Unis ou en Chine. Ce qui suggère que les conditions nécessaires au développement de Telegram sont meilleures à Dubaï que dans ces pays. Dourov assure qu'il est l'unique propriétaire de Telegram. Il serait le chef d'entreprise et le seul gestionnaire de projet. En outre, l'entrepreneur estime que cela permet au service de se développer plus rapidement. Il n'y a pas de service des ressources humaines et Telegram compte une trentaine d'ingénieurs. Il refuse de s'encombrer avec les questions d'actionnaires.
Telegram n'envisage pas encore d'entrer en bourse et de vendre des actions, car Dourov ne veut pas rendre compte à un grand nombre d'actionnaires, ce qui pourrait ralentir le développement. Par ailleurs, Dourov a déclaré lors de l'interview qu'il apprécie qu'Elon Musk ait racheté Twitter (rebaptisé X) et en ait fait une société privée. Il soutient ce que le fondateur de Tesla et de SpaceX fait pour développer le réseau social et la manière dont il innove, même en procédant par essais et erreurs. Il semble être l'un des rares soutiens de Musk sur la question.
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