En août 2019, quelques mois seulement après que l’administration Trump ait placé Huawei sur la liste des entités, obligeant l’entreprise à obtenir l’approbation de Washington pour tout achat de technologie américaine, Huawei a annoncé HarmonyOS. Ce système d’exploitation, initialement conçu comme un “Plan B”, est devenu une nécessité pour Huawei face à la perspective de se voir interdire l’utilisation de composants ou de logiciels clés d’origine américaine.
HarmonyOS se distingue par sa capacité à fonctionner sur une multitude d’appareils connectés à Internet, des smartphones aux appareils portables et aux téléviseurs, se différenciant ainsi du système d’exploitation d'Apple. Cette polyvalence a permis à Huawei de créer un écosystème intégré, favorisant ainsi l’adoption de HarmonyOS par les consommateurs et les développeurs.
Un peu plus d’un an suite à sa présentation par le constructeur chinois d’équipements de télécommunications, le système d’exploitation a fait l’objet de controverses. Sa forte ressemblance avec Android lui a valu des contestations de l’authenticité qu’il revendique.
Et pour cause : plusieurs présentations du même système d’exploitation étaient disponibles à date. Ce système d’exploitation a fait l’objet de beaucoup de spéculations quant à savoir s’il serait basé sur Linux ou simplement un fork d’Android. Ce que Huawei répond lors de la HDC 2019 est qu’HarmonyOS est architecturé autour d’un micronoyau. En termes d’usages, la firme chinoise a souligné qu’il allait assurer la prise en charge d’une panoplie d’appareils : smartphones, haut-parleurs intelligents, systèmes embarqués au sein des véhicules, etc. Bref, un système d’exploitation avec une forte orientation objets connectés et applications industrielles. En fait, les responsables de l’entreprise ont fait mention extensive de Fuchsia OS de Google pour faire comprendre ce qu’est HarmonyOS. La firme est allée sur le terrain des comparaisons entre micronoyaux et a avancé que les communications entre processus sous HarmonyOS sont cinq fois plus rapides que dans le cas Fuchsia OS. « HarmonyOS est complètement différent d’Android et d’iOS », indiquait alors l’entreprise.
Les ambitions d'expansion internationale
En 2024, Huawei prévoit de renforcer l’écosystème d’applications natives de HarmonyOS, y compris en portant les applications de smartphones les plus populaires sur sa plateforme. « Nous travaillerons d’abord à construire l’écosystème d’applications HarmonyOS sur le marché chinois, puis, pays par pays, nous commencerons à le déployer progressivement dans d’autres parties du monde », a déclaré Erik Xu, président tournant de Huawei, lors du 21e sommet des analystes à Shenzhen
Une partie de ce processus consistera à porter des applications sur HarmonyOS et à encourager d'autres développeurs d'applications à coder pour la plateforme.
« Sur le marché chinois, les utilisateurs de smartphones Huawei passent 99 % de leur temps sur environ 5 000 applications. Nous avons donc décidé de consacrer l'année 2024 au portage de ces applications sur HarmonyOS dans le cadre de notre volonté d'unifier véritablement le système d'exploitation et l'écosystème des applications. Nous encourageons également d'autres applications à être portées sur HarmonyOS », a déclaré Xu.
Selon le président tournant de Huawei, plus de 4 000 de ces applications sont déjà en cours de transfert, et l'entreprise « communique avec les développeurs » sur les quelque 1 000 applications restantes.
« Il s'agit d'une entreprise de grande envergure, mais nous bénéficions d'un large soutien dans le secteur et de la part de nombreux développeurs d'applications », a-t-il déclaré.
« Une fois que ces 5 000 premières applications Android - et des milliers d'autres - seront opérationnelles sur HarmonyOS, nous aurons un véritable HarmonyOS : un troisième système d'exploitation mobile pour le monde entier », a déclaré Xu. Ce nombre pourrait atteindre un million d'applications à l'avenir, a-t-il déclaré.
La montée en puissance d'HarmonyOS
Les entreprises technologiques chinoises se démènent pour développer des versions de leurs applications compatibles avec HarmonyOS. Des entreprises chinoises, dont Ant Group, propriétaire d'Alipay, et McDonald's China, auraient intensifié leurs efforts pour recruter des développeurs pour HarmonyOS.
D’après les chiffres publiés par Huawei lors de la présentation d’HarmonyOS, l’entreprise comptait déjà 800 000 développeurs autour de son écosystème de produits. De récents rapports font état de ce que des centaines d'experts techniques des plus grandes entreprises publiques et privées chinoises, dont la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC), China Telecom, Meituan et Baidu, se sont réunis à Pékin il y a quelques mois. L'objectif : former le personnel de ces entreprises afin qu'il puisse être certifié en tant que développeur du système d'exploitation (OS) Harmony de Huawei. La combinaison de ces initiatives porte les estimations du nombre de développeurs pour HarmonyOS à plus de 2,2 millions et le nombre d’appareils activés à plus de 700 millions.
Selon Counterpoint Research, HarmonyOS a connu une forte croissance grâce à l'introduction de smartphones 5G propulsés par ce système, comme le Mate 60 Pro. La plateforme représentait 4 % des parts de marché mondiales au quatrième trimestre 2023, et dépassait les 16 % de parts de marché en Chine, ce qui, selon Counterpoint, en fait le troisième système d'exploitation mobile en termes de ventes de terminaux, derrière Android et iOS.
La question de savoir s'il y aura un marché pour les appareils HarmonyOS en dehors de la Chine est ouverte : les sanctions répétées et la publicité négative des États-Unis et des gouvernements européens ont laissé la marque avec une pente à gravir à la fois dans le monde des affaires et dans le domaine de la consommation.
Les États-Unis tentent de minimiser les réalisations de Huawei en matière de smartphones 5G
Dans le même ordre d'idées, la secrétaire américaine au commerce, Gina Raimondo, a choisi ce week-end de minimiser les réalisations de Huawei en matière de smartphones 5G, tels que le Mate 60 Pro, en dépit des sanctions américaines à l'encontre de l'entreprise. L'appareil est équipé d'un processeur Arm 7nm développé en interne par Huawei et fabriqué par le fabricant de puces chinois SMIC.
S'exprimant dans le cadre de l'émission 60 Minutes de la chaîne CBS, Raimondo a rejeté les affirmations de Huawei concernant une percée technologique et a déclaré que l'écart de capacités entre Huawei et les entreprises américaines montrait que les contrôles à l'exportation de la Maison Blanche à l'égard de la Chine fonctionnaient.
Sa ténacité a fait d'elle une cible en Chine, où de fausses publicités la présentait comme la promotrice du Mate 60 Pro fabriqué en Chine. L'année dernière, lorsqu'elle était en Chine lors d'un voyage visant ironiquement à améliorer les relations, l'entreprise technologique Huawei a présenté ce nouveau smartphone doté d'une puce avancée fabriquée en Chine, ce qui lui a valu des moqueries sur les réseaux sociaux.
Lesley Stahl (la journaliste menant l'interview) : C'était comme pour dire : "Regardez la puce que nous avons". Et c'était une très bonne puce de haut niveau, n'est-ce pas ?
Gina Raimondo : Eh bien, j'ai leur attention, c'est clair. Et...
Lesley Stahl : Et ils ont obtenu la vôtre.
Gina Raimondo : Hmm. Eh bien, ce que cela me dit, c'est que les contrôles à l'exportation fonctionnent parce que cette puce n'est pas aussi bonne...
Lesley Stahl : Elle ne l'est pas ?
Gina Raimondo : - elle a des années de retard sur ce que nous avons aux États-Unis. Nous avons les semi-conducteurs les plus sophistiqués au monde. La Chine n'en a pas. Nous avons surpassé la Chine en termes d'innovation.
Lesley Stahl : Eh bien, par "nous", vous voulez dire Taïwan ?
Gina Raimondo : Tout à fait.
Si les entreprises technologiques américaines conçoivent les puces les plus avancées au monde, aucune n'est réellement fabriquée aux États-Unis. 90 % d'entre elles proviennent de Taïwan et sont essentielles à l'avenir de l'armement militaire américain.
Gina Raimondo : Eh bien, j'ai leur attention, c'est clair. Et...
Lesley Stahl : Et ils ont obtenu la vôtre.
Gina Raimondo : Hmm. Eh bien, ce que cela me dit, c'est que les contrôles à l'exportation fonctionnent parce que cette puce n'est pas aussi bonne...
Lesley Stahl : Elle ne l'est pas ?
Gina Raimondo : - elle a des années de retard sur ce que nous avons aux États-Unis. Nous avons les semi-conducteurs les plus sophistiqués au monde. La Chine n'en a pas. Nous avons surpassé la Chine en termes d'innovation.
Lesley Stahl : Eh bien, par "nous", vous voulez dire Taïwan ?
Gina Raimondo : Tout à fait.
Si les entreprises technologiques américaines conçoivent les puces les plus avancées au monde, aucune n'est réellement fabriquée aux États-Unis. 90 % d'entre elles proviennent de Taïwan et sont essentielles à l'avenir de l'armement militaire américain.
Conclusion
Avec cette expansion, Huawei pourrait non seulement renforcer sa présence sur le marché chinois, mais aussi devenir un acteur majeur sur la scène mondiale des systèmes d’exploitation mobiles. Cela représente un défi audacieux pour Apple et Google, et pourrait potentiellement remodeler le paysage des technologies mobiles dans les années à venir.
Sources : Huawei, Counterpoint Research, interview de Gina Raimondo
Et vous ?
Quels sont les avantages potentiels pour les consommateurs d’avoir une troisième plateforme de système d’exploitation mobile sur le marché mondial ?
Comment l’expansion de HarmonyOS pourrait-elle influencer la dynamique actuelle du marché entre iOS et Android ?
Quels défis Huawei doit-il surmonter pour réussir son expansion mondiale de HarmonyOS, en particulier dans les régions dominées par Android et iOS ?
En quoi l’approche de Huawei pour construire son écosystème d’applications est-elle différente ou similaire à celle de Google et d’Apple ?
Quel impact la réussite de HarmonyOS pourrait-elle avoir sur les développeurs d’applications et l’innovation dans le domaine des technologies mobiles ?
Comment les sanctions américaines ont-elles affecté la stratégie de Huawei et quelles leçons d’autres entreprises peuvent-elles en tirer ?
Quelles implications géopolitiques l’expansion de HarmonyOS pourrait-elle entraîner dans les relations internationales et le commerce mondial ?