YouTube étend son combat contre les bloqueurs de publicité à la téléphonie mobile. Dans une mise à jour publiée lundi, YouTube indique que les utilisateurs qui accèdent à des vidéos par l'intermédiaire d'une application tierce de blocage des publicités peuvent rencontrer des problèmes de mise en mémoire tampon ou voir apparaître un message d'erreur indiquant que « le contenu suivant n'est pas disponible sur cette application ».
L'année dernière, YouTube a « lancé un effort global » pour encourager les utilisateurs à autoriser les publicités lorsqu'ils regardent des vidéos ou à passer à YouTube Premium. Il a également commencé à désactiver les vidéos pour les utilisateurs ayant activé une extension de blocage des publicités.
Aujourd'hui, YouTube explique que ses règles ne permettent pas « aux applications tierces de désactiver les publicités, car cela empêche le créateur d'être récompensé pour son audience ». Le blocage vise les applications tierces qui utilisent l'API de YouTube pour diffuser des vidéos sans interruption.
Envoyé par YouTube
AdGuard rappelle qu'il est important de noter que la vague actuelle de restrictions n'affecte que les applications tierces qui utilisent l'API YouTube pour mettre en œuvre leur fonctionnalité de blocage des publicités.
Et d'expliquer que les applications AdGuard pour Android et AdGuard pour iOS n'utilisent pas les outils officiels de YouTube (son API) pour bloquer les publicités. Au lieu de cela, AdGuard lit la vidéo dans son propre navigateur intégré à l'application, de la même manière que vous regarderiez YouTube avec un bloqueur de publicités dans un navigateur web normal. Cette méthode permet à AdGuard d'utiliser les mêmes filtres que ceux disponibles dans le navigateur.
Les applications mobiles d'AdGuard ne sont donc pas concernées pour le moment.
Le jeu du chat et de la souris
L'intensification des efforts de YouTube pour lutter contre le blocage des publicités n'a rien de surprenant. Ces dernières années ont vu l'essor du modèle économique de l'abonnement, et tous les diffuseurs de vidéos veulent naturellement une part de ce gâteau lucratif.
YouTube Premium est un service d'abonnement proposant le visionnage de vidéos hors ligne, le mode « image dans l'image » et l'accès au streaming musical sous la forme de YouTube Music. Cela étant dit, il est difficile de ne pas considérer la dernière mesure de répression de YouTube avec une certaine dose de cynisme.
La société mère de YouTube est Google, dont le modèle économique repose sur l'existence de publicités, et dont le navigateur web Chrome a entretenu des relations tumultueuses avec les extensions de blocage des publicités au fil des ans. Il en résulte une sorte de course aux armements dans laquelle les bloqueurs de publicité sont constamment mis à jour pour contourner les nouvelles restrictions imposées par Google. La dernière restriction en date est attendue pour le mois de juin avec le lancement de Manifest V3, ce qui aura des conséquences sur l'ensemble de l'écosystème des bloqueurs de publicité de Chrome.
Si les bloqueurs de publicité sur le web continuent de fonctionner pour l'instant, l'écosystème mobile est plus restrictif par nature et YouTube a réussi à supprimer certains clients tiers au fil du temps. Il existe encore un certain nombre d'applications YouTube tierces sur le marché, et nous devrons donc attendre pour voir jusqu'où le diffuseur de flux souhaite aller dans cette bataille.
Le « tueur de bloqueurs de publicités »
Manifest V3 introduit des changements significatifs dans les règles pour les extensions, dont certains ont été vivement critiqués par les développeurs et les utilisateurs finaux.
L’un des changements les plus controversés est la suppression de l’API WebRequest, qui permet aux extensions de modifier les requêtes réseau à la volée. Cette API est utilisée par les extensions de blocage de publicités et de protection de la vie privée, qui peuvent créer des listes de sites web (serveurs publicitaires) à bloquer ou à filtrer. Google veut remplacer cette API par une nouvelle API, appelée declarativeNetRequest, qui permet aux extensions de déclarer un ensemble de règles : des motifs pour faire correspondre les requêtes et des actions à effectuer lorsqu’elles sont correspondantes.
Le problème de cette nouvelle API est qu’elle limite le nombre de règles à 30 000, alors qu’une installation typique de uBlock Origin comporte 300 000 règles de filtrage dynamiques. De plus, cette API ne permet pas aux extensions de modifier les en-têtes ou les corps des requêtes, ce qui réduit leur capacité à empêcher le pistage ou à contourner les mesures anti-blocage.
Google affirme que ces changements visent à améliorer la confidentialité, la sécurité et les performances des extensions, en réduisant le risque d’abus ou de détournement des données des utilisateurs, et en évitant que les extensions ne ralentissent le navigateur ou ne consomment trop de ressources. Cependant, de nombreux développeurs et utilisateurs soupçonnent que Google ait d’autres motivations, notamment protéger ses revenus publicitaires et renforcer son contrôle sur le Web.
Manifest V3 a été rapidement surnommé « le tueur de bloqueurs de publicités » et il a fait l’objet d’une forte opposition tant de la part des développeurs que des utilisateurs finaux. Plusieurs pétitions ont été lancées pour demander à Google de revenir sur sa décision ou de modifier son API pour préserver les fonctionnalités des extensions existantes.
Par exemple, l'Electronic Frontier Foundation, un défenseur des droits numériques, s'est insurgé contre son utilisation : « Méfiez-vous des utilisateurs de Chrome : Manifest V3 est trompeur et menaçant ». « Si l’on en croit Google, Manifest V3 améliorera la protection de la vie privée, la sécurité et les performances. Nous ne sommes absolument pas d’accord. Ces changements n’arrêteront pas les extensions malveillantes, mais ralentiront l’innovation, réduiront les capacités des extensions et heurteront les performances réelles ».
Pour l'EFF : « Manifest V3, ou Mv3 en abrégé, est carrément nuisible aux efforts de confidentialité. Cela limitera les capacités des extensions Web, en particulier celles conçues pour surveiller, modifier et calculer parallèlement à la conversation de votre navigateur avec les sites Web que vous visitez. Selon les nouvelles spécifications, des extensions comme celles-ci – comme certains bloqueurs de suivi de la vie privée – auront des capacités considérablement réduites. Les efforts de Google pour limiter cet accès sont préoccupants, d'autant plus que Google a installé des traceurs sur 75% du million de sites Web les plus importants ».
Certains navigateurs concurrents, comme Brave ou Vivaldi, ont déclaré qu’ils ne suivraient pas Google dans cette voie et qu’ils continueraient à supporter l’API WebRequest. Firefox, de son côté, a opté pour une approche hybride.
Conclusion
Aujourd’hui, les entreprises cherchent à faire payer les utilisateurs ou à contribuer à leur modèle de revenus. YouTube tente d’empêcher le visionnage avec des bloqueurs de publicités, tout comme Netflix et Disney refusent l’accès avec des comptes partagés. Pour une plateforme qui dépend fortement des revenus publicitaires, il est compréhensible que YouTube prenne des mesures strictes contre les bloqueurs de publicités. Cependant, cette approche pourrait également susciter des débats sur la balance entre les revenus et l’expérience utilisateur.
Sources : YouTube, AdGuard, calendrier de Manifest V3
Et vous ?
Pensez-vous que YouTube a le droit de bloquer l’accès aux vidéos pour les utilisateurs qui emploient des bloqueurs de publicités ?
Les mesures prises par YouTube pour lutter contre les bloqueurs de publicités sont-elles justifiées par la nécessité de soutenir les créateurs de contenu ?
Comment équilibrez-vous le désir d’une expérience sans publicité avec le besoin de soutenir financièrement les plateformes et les créateurs que vous appréciez ?
YouTube Premium est-il une alternative valable aux bloqueurs de publicités, ou pensez-vous que la plateforme devrait offrir des options gratuites sans publicité ?
La répression des bloqueurs de publicités pourrait-elle conduire à une augmentation des abonnements à YouTube Premium, ou les utilisateurs chercheront-ils d’autres moyens de contourner les publicités ?
Quel impact pensez-vous que la répression de YouTube aura sur l’avenir des applications tierces qui offrent des services similaires ?
Est-ce que la lutte contre les bloqueurs de publicités pourrait nuire à l’expérience utilisateur sur YouTube, ou est-ce un mal nécessaire pour maintenir l’écosystème de la plateforme ?