TikTok fait face à des critiques qui appellent son bannissement aux États-Unis
Selon certains observateurs, il existe des signes révélateurs de la quantité disproportionnée de contenus anti-israéliens sur TikTok par rapport aux vidéos en faveur des Palestiniens. Par exemple, le premier résultat de la recherche "stand with Palestine" aurait été visionné près de 3 milliards de fois au 26 octobre, tandis que le premier résultat de la recherche "stand with Israel" aurait été visionné un peu plus de 200 millions de fois. En outre, d'autres données pour les États-Unis montreraient qu'il y a environ deux fois plus de messages utilisant le hashtag #StandwithPalestine que de messages avec #StandwithIsrael au cours des deux dernières semaines.
Ces tendances ont inquiété des législateurs et des responsables du parti républicain, dont certains, comme la sénatrice Marsha Blackburn (R-Tenn.), le sénateur Marco Rubio (R-Fla.) et le représentant Mike Gallagher (R-Wis.), ont appelé à une interdiction nationale de TikTok, craignant que l'application ne serve d'outil d'espionnage et de propagande pour le parti communiste chinois (PCC). Ils affirment que TikTok utilise son influence afin de promouvoir des contenus propalestiniens et contraires aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis. Les allégations concernant la promotion par TikTok de contenus propalestiniens semblent toutefois anecdotiques.Because the TikTok narrative is now so anti-Israel, the engagement flywheel encourages creators to support that narrative because it’s getting the most attention and creating anti-Israel content helps them increase their following.
— Jeff Morris Jr. (@jmj) October 26, 2023
Elles sont apparues sur la plateforme de médias sociaux X, dans des déclarations aux médias et sur des médias conservateurs tels que Fox News. Blackburn a déclaré qu'il ne serait pas surprenant que TikTok, qui appartient à des Chinois, diffuse des contenus pro-Hamas afin de servir l'agenda de la Chine, qui s'aligne de plus en plus sur les intérêts de pays rivaux tels que la Russie et l'Iran. « Le PCC a tout intérêt à déstabiliser le Moyen-Orient et à pousser les États-Unis à réinjecter davantage de personnel dans la région. Les États-Unis doivent interdire cette application qui vole et espionne les utilisateurs américains », a déclaré la sénatrice Blackburn.
Les appels renouvelés en faveur d'une interdiction ont pris leur essor après que Jeff Morris Jr, investisseur en capital-risque dans le secteur de la technologie et ancien cadre de l'application de rencontres Tinder, a écrit une série de messages sur X (ex-Twitter) la semaine dernière. Dans son fil de discussion viral, Morris a parlé d'une "guerre TikTok" dans laquelle les lycéens et les étudiants reçoivent des "infox" sur le Hamas et Israël. Les informations sur la guerre entre Israël et le Hamas sont en effet devenues très controversées et polarisées sur les médias sociaux, y compris sur TikTok. Mardi, son fil de discussion avait fait plus de 9 millions de vues.
« Lorsque je me suis engagé dans un message sur TikTok soutenant des opinions opposées, tout mon flux est devenu agressivement anti-israélien. Israël est en train de perdre la guerre TikTok, et de loin », a écrit Morris. Son expérience s'inscrit dans la lignée des rapports sur le fonctionnement de l'algorithme de TikTok, qui a suscité la controverse : le fait de s'intéresser à un sujet signale à TikTok qu'un contenu similaire devrait être proposé à l'utilisateur. Le bras de fer entre TikTok et les autorités américaines est entré dans une phase d'accalmie dernièrement, mais le conflit au Moyen-Orient pourrait le replacer sous l'application sous le feu des projeteurs.
TikTok affirme que les allégations des critiques sur sa partialité sont infondées
« Nous avons vu TikTok utilisé pour minimiser le génocide des Ouïghours, le statut de Taïwan et maintenant le terrorisme du Hamas. C'est une preuve supplémentaire que l'application doit être interdite et traitée pour ce qu'elle est : de la propagande étrangère », a déclaré le sénateur Rubio. Lors d'une audition en mars, il a demandé au directeur du FBI, Christopher Wray, si la Chine pouvait utiliser TikTok pour alimenter des récits visant à attiser les divisions aux États-Unis. À l'époque, Wray avait reconnu que c'était non seulement possible, mais que "le FBI n'était pas sûr de voir beaucoup de signes extérieurs de cette utilisation, si elle avait lieu".
Mais en fin de compte, la performance perçue du contenu propalestinien sur la plateforme dépend de la manière dont on analyse les données de TikTok. Les tendances historiques au niveau international montrent un plus grand intérêt pour le hashtag populaire "#standwithpalestine" que "#standwithisrael". Selon certains rapports, si l'on examine les données relatives aux hashtags aux États-Unis au cours des 30 derniers jours, on constate que les contenus pro-israéliens sur la plateforme ont obtenu des résultats équivalents, voire supérieurs, à ceux de certains contenus propalestiniens. TikTok a déclaré que les allégations de partialité étaient sans fondement.
La démographie des jeunes utilisateurs de TikTok pourrait être un autre facteur de disparité. Morris a cité un sondage de l'université d'Harvard montrant que 51 % des Américains âgés de 18 à 24 ans estimaient que le Hamas était justifié de mener des attaques terroristes qui ont tué plus de 1 200 civils israéliens. En outre, un récent sondage Reuters a révélé que 20 % des personnes âgées de 18 à 24 ans consultent TikTok pour s'informer, soit une hausse de 5 % par rapport à l'année dernière. La confiance du public dans les organes d'information traditionnels aurait diminué dans le même temps. Une situation jugée alarmiste par les critiques républicains.
Mais d'autres ont fait remarquer que l'antisémitisme est un problème de longue date sur la plateforme. Bien avant l'attaque du Hamas, les dirigeants israéliens avaient averti TikTok qu'il diffusait de la propagande anti-israélienne. D'autres personnes affirment aussi que TikTok a simplement supprimé leurs vidéos montrant la brutalité des terroristes du Hamas. Au début du mois, l'UE a demandé à TikTok et au géant des médias sociaux Meta de fournir des détails sur leurs efforts pour lutter contre les infox et les discours de haine liés à la guerre entre Israël et le Hamas. L'UE a également interpelé les entreprises sur la gestion du conflit au Moyen-Orient.
Le commissaire européen Thierry Breton a envoyé une lettre au PDG de Meta, Mark Zuckerberg, pour lui demander d'être "vigilant" à l'approche des prochaines élections et de supprimer la désinformation sur les plateformes de son entreprise pendant le conflit entre Israël et le Hamas. Thierry Breton a déclaré que l'UE avait constaté une augmentation des contenus illégaux et de la désinformation sur "certaines plateformes" à la suite de l'attaque du Hamas contre Israël. Meta possède des plateformes populaires comme Instagram et Facebook, ainsi que Threads. Cependant, les groupes de défense de la liberté d'expression ont dénoncé la lettre de Breton.
D'autres dénoncent en revanche des tentatives de contrôler et de censurer le discours
TikTok a également fait l'objet de critiques dans le sens opposé, à savoir qu'il a été trop sévère en supprimant certains contenus propalestiniens. La semaine dernière, le gouvernement de Malaisie, un pays asiatique majoritairement musulman, a annoncé qu'il pourrait prendre des mesures contre TikTok et Meta pour avoir bloqué de tels messages, une allégation que les deux sociétés ont démentie. Edward Ahmed Mitchell, directeur adjoint du Conseil des relations américano-islamiques, a déclaré que les appels à l'interdiction de TikTok en réponse au conflit actuel visaient davantage à faire taire les voix propalestiniennes qu'à assurer la sécurité nationale.
« TikTok a de nombreux problèmes en raison de ses relations avec le gouvernement chinois, mais autoriser les discours sur les droits de l'homme des Palestiniens n'est pas l'un de ces problèmes. Certaines voix politiques aiment la liberté d'expression et détestent la culture de l'annulation, jusqu'à ce qu'elles entendent un discours qu'elles n'aiment pas et qu'elles veuillent l'annuler - en particulier lorsque ce discours porte sur les droits de l'homme des Palestiniens », a déclaré Mitchell. Sur la toile, les commentaires dénoncent également la position des critiques républicains qui consiste à censurer les discours qu'on n’aime pas sous fond de désinformation.
« Vous n'avez plus le droit d'avoir une opinion divergente, vous n'avez plus le droit de penser de manière critique ? Quel genre de dystopie essaient-ils de construire ici ? Je pense que c'est celle où vous vous taisez, faites ce qu'on vous dit, n'écoutez pas les autres et répétez ce que le gouvernement veut que vous fassiez. Cela vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir. Politique étrangère des États-Unis = pro-Israël. Toutes les entreprises américaines se conforment à la loi et Tiktok se distingue par le fait qu'elle vous montre les contenus des deux camps. L'Occident est devenu la risée des régimes qu'il considère comme dictatoriaux », a écrit un critique.
« C'est de la censure absolue que de diffuser de la propagande unilatérale sans critique. C'est pour la même raison qu'ils essaient d'interdire TikTok. Nous sommes face à nos propres contradictions et nous refusons d'ouvrir les yeux pour les affronter. L'Amérique n'essaie même plus de prétendre qu'elle est une démocratie luttant pour la liberté et la justice pour tous. Tout cet acharnement doit être dû au fait qu'il n'est pas possible d'imposer un récit spécifique sur Tiktok comme sur d'autres réseaux sociaux. Quelles leçons auront encore à donner aux autres lorsqu'ils répéteront les mêmes actes ? Allons-nous les condamner et les sanctionner ? », a écrit un autre.
TikTok, qui a émergé vers fin 2016, est une application de médias sociaux détenue par le géant chinois de technologie ByteDance. L'application a connu une ascension fulgurante et est devenue l'une des plateformes de médias les plus populaires au monde, tenant tête à Facebook et YouTube. Mais dès le départ, son appartenance à la Chine n'a pas joué en sa faveur. Des inquiétudes selon lesquelles l'application pourrait avoir des comptes à rendre au gouvernement chinois sont rapidement devenues un sujet de débat intense dans plusieurs capitales occidentales. Cette situation constituerait une menace pour les données personnelles des utilisateurs occidentaux.
Aux États-Unis, les relations entre TikTok et les autorités se sont tendues au cours de l'année 2020 après que des rapports ont fait état de l'accès incontrôlé des ingénieurs chinois de ByteDance aux données des utilisateurs américains. Les campagnes appelant à l'interdiction de l'application sur le plan national se sont multipliées depuis lors, plusieurs dizaines d'États, universités, écoles et entreprises américains ayant déjà interdit l'application sur certains types d'équipements. Par ailleurs, plusieurs propositions de loi ont été faites en vue de donner les outils nécessaires au gouvernement fédéral américain pour bannir l'application de médias sociaux.
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Que pensez-vous des allégations sur le parti pris propalestinien de TikTok ?
Ces allégations sont-elles fondées ? Justifient-elles les appels à l'interdiction de TikTok ?
Cela s'apparente-t-il à une censure ou à une tentative visant à contrôler le discours en ligne ?
Que pensez-vous de la demande du commissaire européen Thierry Breton à Meta et X ?
Voir aussi
L'Europe donne 24 heures à Mark Zuckerberg pour réagir à la désinformation sur le conflit entre Israël et le Hamas et à la désinformation électorale
L'Europe donne 24 heures au PDG de TikTok pour réagir à la désinformation sur la guerre Israël-Hamas, une demande similaire a également été envoyée à Elon Musk et Mark Zuckerberg
Une étude montre que la désinformation se propage six fois plus vite sur Facebook qu'il y a un an, la société aurait tenté de nuire à l'étude en bannissant les chercheurs de la plateforme