
entre autres au sujet de « son exploitation des données et sa stratégie d'influence »
Après les régulateurs nationaux, c'est au tour du Parlement français de s’emparer du dossier TikTok. Une commission d'enquête, composée de 19 sénateurs, sera mise sur pieds pour se pencher sur « l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d'influence ». La commission, dont les membres seront désignés par les différents groupes parlementaires, devra remettre ses conclusions dans six mois maximum. Ce processus de nomination aura lieu le 1er mars.
La relation de TikTok avec la classe politique n'est pas la meilleure actuellement. Aux États-Unis, malgré plus de 5 millions de dollars dépensés en lobbying en 2022, de plus en plus d'élus montent au créneau pour limiter, voire suspendre, l'utilisation de l'application. Il faut dire que depuis plusieurs mois, une série de révélations ne contribuent pas à apaiser la sphère du pouvoir politique.
Par exemple, TikTok recommande des contenus sur l'automutilation et les troubles de l'alimentation à certains utilisateurs quelques minutes après avoir rejoint la plateforme, selon un rapport publié par le Center for Countering Digital Hate (CCDH).
La nouvelle étude a demandé aux chercheurs de créer des comptes TikTok se faisant passer pour des utilisateurs de 13 ans intéressés par du contenu sur l'image corporelle et la santé mentale. Il a été constaté que 2,6 minutes après avoir rejoint l'application, l'algorithme de TikTok recommandait un contenu suicidaire. Le rapport a montré que le contenu sur les troubles de l'alimentation était recommandé en 8 minutes.
Au cours de cette étude, les chercheurs ont trouvé 56 hashtags TikTok hébergeant des vidéos sur les troubles de l'alimentation avec plus de 13,2 milliards de vues.
De plus, TikTok a confirmé à Forbes que certains de ses employés américains ont la capacité de booster les vidéos afin de « présenter des célébrités et des créateurs émergents à la communauté TikTok ». La déclaration fait partie d’un rapport sur le bouton Heating (littéralement « Chauffage », mais dans le contexte « tendance ») de TikTok, qui, selon Forbes, peut être utilisé pour mettre des vidéos sélectionnées sur les pages Pour Vous des utilisateurs, aidant à augmenter les vues en contournant l’algorithme qui est censé piloter l’expérience TikTok.
Cependant, Jamie Favazza, porte-parole de TikTok, a déclaré à Forbes que l'augmentation du nombre de vues de vidéos particulières n'est pas la seule raison d'être de Heating. TikTok va également « promouvoir certaines vidéos pour aider à diversifier l'expérience du contenu » (comprendre : s'assurer que votre flux n'est pas entièrement composé d'une ou deux tendances), a-t-il déclaré. Favazza suggère également que TikTok ne le fait pas si souvent, affirmant que seulement « 0,002 % des vidéos dans les flux Pour Vous » sont heated. Selon un document interne obtenu par Forbes, cependant, les vidéos heated représenteraient « environ 1 à 2% » du « total des visionnages quotidiens de vidéos ».
Notons que TikTok a tenté de montrer patte blanche, indiquant être prête à faire d'importantes concessions pour traiter avec les responsables américains afin de ne pas être suspendue aux États-Unis.
TikTok, dont la société mère est la société chinoise ByteDance, fait déjà l'objet d'une interdiction qui empêcherait les employés fédéraux d'utiliser ou de télécharger TikTok sur les appareils appartenant au gouvernement. Cela s'explique en partie par le fait que ByteDance est tenu par la loi chinoise d'aider le gouvernement, ce qui pourrait inclure le partage des données des utilisateurs partout dans le monde. « Il n'y a plus de temps à perdre dans des négociations insignifiantes avec une société fantoche du PCC [ndlr. Parti Communiste Chinois]. Il est temps d'interdire définitivement TikTok, contrôlé par Pékin », a déclaré le sénateur républicain Marco Rubio dans un communiqué.
« TikTok est la porte dérobée de la Chine dans la vie des Américains. Il menace la vie privée de nos enfants ainsi que leur santé mentale », a déclaré sur Twitter le sénateur américain et républicain Josh Hawley. « Maintenant, je vais introduire une législation pour l'interdire dans tout le pays ».
TikTok a déclaré dans un communiqué que Hawley adoptait la mauvaise approche :
« L'appel du sénateur Hawley pour une interdiction totale de TikTok adopte une approche fragmentaire de la sécurité nationale et une approche fragmentaire des grandes questions de l'industrie comme la sécurité des données, la vie privée et les préjudices en ligne », a déclaré la porte-parole Brooke Oberwetter. « Nous espérons qu'il concentrera son énergie sur les efforts visant à traiter ces questions de manière holistique, plutôt que de prétendre que l'interdiction d'un seul service résoudrait l'un des problèmes qui le préoccupent ou rendrait les Américains plus sûrs ».
ByteDance travaillerait désormais aux côtés du Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis et ce n'est pas nouveau. Cela se passe sous le manteau depuis des mois maintenant, afin que l'application puisse conclure un accord et poursuivre ses activités aux États-Unis. Le marché américain cible n'est certainement pas petit et la perte de ces clients pourrait vraiment toucher l'entreprise de plein fouet. Les discussions récentes semblent porter sur un accord qui serait davantage axé sur le stockage des données. L'accord devrait restreindre l'accès aux données des utilisateurs américains par les employés de ByteDance travaillant en Chine.
La position européenne
L'hostilité envers TikTok s'est répandue en Europe, où les craintes concernant la sécurité des enfants et les informations selon lesquelles TikTok espionnait des journalistes utilisant leurs emplacements IP alimentent une réaction violente contre l'application de partage de vidéos utilisée par plus de 250 millions d'Européens.
En janvier, alors que le directeur général de TikTok, Shou Zi Chew, se rendait à Bruxelles pour rencontrer la principale responsable des politiques numériques, Margrethe Vestager, dans le cadre d'une réévaluation plus large des relations de l'UE avec la Chine, son entreprise était déjà confrontée à une multitude de défis juridiques, réglementaires et de sécurité dans le bloc.
Avant la visite de Chew à Bruxelles, Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur du bloc, l'a averti de la nécessité de « respecter l'intégralité de nos règles », selon les commentaires du commissaire faits en Espagne, rapportés par Reuters. Une porte-parole de Vestager a déclaré qu'elle souhaitait « examiner comment l'entreprise se préparait à se conformer à ses (éventuelles) obligations en vertu de notre réglementation ».
L'un de ses critiques les plus virulents parmi la classe politique européenne est le président français Emmanuel Macron, qui a qualifié TikTok de « trompeusement innocent » et de cause de « véritable dépendance » parmi les utilisateurs, ainsi que de source de désinformation russe. De tels commentaires sont allés de pair avec la couverture médiatique en France. Par exemple, fin décembre, le quotidien Le Parisien a rapporté que « Pour la neuroscientifique du CNRS Irene Cristofori, la consultation addictive des courtes vidéos comme celles du réseau social TikTok peut mener à des retards de développement de plusieurs fonctions cognitives, dont l’inhibition ou l’attention ».
[TWITTER]<blockquote class="twitter-tweet"><p lang="fr" dir="ltr">«Les effets à long terme sur les jeunes cerveaux seront dramatiques»<br><br>Nos enfants sont accros à TikTok, la neuroscientifique du CNRS Irene Cristofori met en garde ⤵️<a href="https://t.co/iitmRqpizm">https://t.co/iitmRqpizm</a></p>— Le Parisien (@le_Parisien) <a href="https://twitter.com/le_Parisien/status/1608174405607215111?ref_src=twsrc%5Etfw">December 28, 2022</a></blockquote> <script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script> [/TWITTER]
Plusieurs enquêtes
TikTok est ciblée par deux enquêtes de l’autorité irlandaise de la protection des données, l'une concernant de possibles transferts de données de citoyens européens vers la Chine, l'autre sur la protection des données des enfants. Si le régulateur irlandais des données, qui mène des enquêtes au nom d'autres États de l'UE, constate que TikTok a enfreint le règlement de confidentialité du bloc, le règlement général sur la protection des données, les amendes pourraient représenter jusqu'à 4% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise. Les sanctions peuvent être encore plus élevées dans le cadre de la DSA, qui commence à s'appliquer aux grandes plates-formes à la mi-2023.
L’autorité de protection des données française, la CNIL, lui a imposé une amende de 5 millions d’euros début janvier.

Le Sénat français ouvre une enquête sur TikTok
La commission des lois et la conférence des présidents ont donné leur feu vert mercredi soir à une proposition déposée le 1er février par le groupe Les Indépendants-République et territoires. Selon son intitulé, cette enquête sénatoriale se penchera sur « l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d'influence ». Des conclusions sont attendues dans six mois maximum.
Cette commission sera composée de 19 sénateurs, qui seront désignés par les différents groupes parlementaires. Ce processus de nomination aura lieu le 1er mars.
La création de cette commission d'enquête est une initiative du sénateur Claude Malhuret au vu de la multiplication des inquiétudes soulevées par les médias et par des déclarations des régulateurs des deux côtés de l'Atlantique sur le réseau social chinois.
La sénatrice Colette Mélot (Les Indépendants), rapporteure d’une mission d’information sur le cyberharcèlement en 2021, explique que Claude Malhuret veut « mener un combat contre ceux qui font de la propagande via les réseaux sociaux » : « il apparaît particulièrement important de faire toute la lumière sur la véracité de ces accusations », peut-on lire dans l'exposé des motifs. Le texte souligne que « ces difficultés existaient déjà sur les plateformes historiques que sont Facebook, Snapchat, Twitter ou encore Instagram », soulignant que les origines chinoises de la société mère de TikTok, ByteDance « décuple l'ampleur de ces difficultés ».
Concernant la procédure de l'enquête, est-il envisageable d'interroger le PDG de l'entreprise ? Rien n'interdit à la commission d'enquête de le convoquer, mais «nous ne pouvons obliger à témoigner que des citoyens français ou des personnes travaillant pour une entreprise française», a expliqué Claude Malhuret lors d'une conférence de presse. Seuls les salariés de TikTok France ne pourront pas se soustraire à une audition sous serment. «La commission entendra également ceux qui ont travaillé sur ces sujets : membres de l'administration, journalistes, chercheurs…», poursuit le sénateur. Elle a aussi le pouvoir de demander des documents à TikTok France.
«Je ne me fais pas d'illusion. Nous n'allons pas mettre à jour l'ensemble des secrets de TikTok, ni pouvoir analyser les algorithmes utilisés», a souligné Claude Malhuret.
Sources : Politico, CNIL
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