Jeudi, la première application de recherche de contacts au monde, basée sur la technologie développée conjointement par Google et Apple, a été lancée en Suisse en tant que projet pilote à grande échelle. L'annonce a été faite par l’Office fédéral de la santé publique du pays, a rapporté le quotidien la Tribune de Genève (Tdg). L’application baptisée SwissCovid, qui devra retracer les chaînes de transmission du coronavirus, peut désormais être téléchargée par plusieurs milliers d'utilisateurs désignés comme appartenant aux "populations pilotes", qui comprennent l'armée et certains travailleurs hospitaliers.
Alors que la France attend toujours, l'équipe qui développe l'application suisse de recherche de contacts pour le coronavirus dit qu'elle est la première à avoir lancé un produit intégrant une technologie fournie par Apple et Google, a rapporté BBC News. Le principe de la recherche automatisée des contacts consiste à utiliser des smartphones pour détecter lorsque deux personnes sont proches l'une de l'autre pendant une période suffisamment longue pour qu'il y ait un risque important de contagion, de sorte que l'une puisse être avertie si l'autre est diagnostiquée plus tard comme ayant la maladie.
SwissCovid est conçue sur ce principe et l'inscription est volontaire. Si tout se passe très bien, l'application devrait être disponible en version opérationnelle pour le grand public d'ici la mi-juin, sous réserve du feu vert du Parlement suisse. Selon BBC, les députés suisses doivent d'abord débattre et approuver le système avant qu'il ne soit proposé au grand public. Les défenseurs de la vie privée auraient effectué un sondage d'opinion qui suggère que 70 % des résidents suisses soutiennent l'initiative, d’après BBC.
La version pilote de l'application est également disponible pour les employés des écoles EPF à Lausanne et ETH à Zurich, qui ont dirigé le développement de la technologie. Les deux institutions suisses ont décidé de construire l'application sur la base d'un modèle proposé conjointement par Apple et Google le mois dernier, qui a été présenté par les géants de la technologie comme le meilleur moyen de développer une technologie de recherche de contacts qui intègre la protection de la vie privée.
L'API d'Apple et de Google baptisée « Exposure Notification » suit une approche décentralisée, ce qui signifie que toute opération susceptible de porter atteinte à la vie privée est effectuée sur les téléphones des utilisateurs, plutôt que par le biais d'une base de données centrale et contrôlée par les gouvernements. Ce qui pourrait exposer les données utilisateurs à un risque de piratage ou de désanonymisation.
Lors du lancement du système Googe-Apple la semaine dernière, les sociétés ont déclaré que leur technologie suscitait déjà l’intérêt un certain nombre d’États américains ainsi que 22 autres pays, dont la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne. Google et Apple avaient apporté des mises à jour le jour du lancement afin d’activer l'API et permettre aux responsables de la santé et aux développeurs de mettre au point leur propre application de recherche des contacts.
SwissCovid basée sur le protocole DP3T
Les écoles EPFL et ETHZ ont travaillé sur leur propre protocole appelé Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing (DP3T). Selon l'équipe des deux universités, les chercheurs sont en pourparlers avec Apple et Google pour assurer la compatibilité entre leur API et le DP3T. Cela signifie que l'application suisse basée sur le DP3T pourra passer au protocole d'Apple et de Google dès qu'elle sera largement disponible, et s'intégrer facilement aux appareils iOS et Android.
Dans un communiqué, Marcel Salathé, un professeur associé de l'EPFL qui a travaillé sur le DP3T, a déclaré : « Nous travaillons sur le DP3T depuis le début de la crise, et nous l'avons basé sur un modèle décentralisé en grande partie à cause des préoccupations liées à la vie privée. Une semaine environ après que nous ayons rendu public notre projet, Google et Apple ont annoncé leur API, et ont déclaré publiquement qu'elle s'inspirait fortement de notre protocole », a-t-il déclaré.
« Pour nous, c'était donc une évidence. La plupart des choses que nous avions proposées avec DP3T étaient dans l'API d'Apple et de Google, et seraient dans iOS et Android. Depuis lors, nous avons continué à travailler avec eux pour nous assurer qu'ils comprennent d'où nous venons ».
Les équipes de chercheurs des deux universités suisses ont testé et peaufiné DP3T au cours du mois dernier, avec l'aide de l'armée suisse. Le protocole fonctionne via Bluetooth, diffusant en continu des chaînes de caractères aléatoires et impossibles à deviner entre les smartphones. Selon les résultats des tests, l'application découvre quels contacts comportaient un risque - ceux qui ont été à moins de deux mètres d'un autre utilisateur pendant plus de 15 minutes - et génère une notification indiquant le jour d'exposition au risque et la procédure à suivre.
L’approche décentralisée à la base du protocole DP3T et de l’API Google-Apple pourrait comporter des défauts, selon un rapport d’experts
Dans un rapport, des experts ont souligné que le principe de décentralisation qui est au cœur de DP3T et de l'API Google-Apple n'est pas sans défauts. Selon eux, sans une organisation centrale supervisant les alertes et s'assurant que seuls les utilisateurs à risque sont avertis, l'application risque d'être submergée de faux positifs et de se transformer en chaos complet, d’après les experts.
Une approche centralisée, en outre, permettrait aux services de santé d'analyser les données afin de mieux comprendre comment la maladie se propage. Pour ces raisons, le NHS britannique et l’équipe française en charge du développement de l’application locale ont décidé d’éviter l'API Google-Apple, et de travailler sur leur propre protocole centralisé.
Afin d'utiliser leur API, les deux géants américains de la technologie ont interdit aux participants de recueillir les données de localisation des utilisateurs, entre autres restrictions. Cela signifie que les applications qui poursuivent un modèle "centralisé" concurrent continueront à faire face à des circonstances où les iPhone ne parviennent pas à effectuer les "poignées de main" requises basées sur Bluetooth.
« L'utilisation des technologies numériques doit être conçue de manière à ce que nous, en tant que gouvernements démocratiquement élus, l'évaluions et la jugions acceptable pour nos citoyens et conforme à nos valeurs européennes », ont écrit les ministres des Affaires numériques des gouvernements allemand, français, italien, espagnol et portugais dans une lettre commune publiée dans la presse au début de cette semaine. « Nous pensons que la remise en cause de ce droit par l'imposition de normes techniques représente un faux pas et une occasion manquée de collaboration ouverte entre les gouvernements et le secteur privé », ont-ils ajouté.
Toutefois, certains pays comme l’Allemagne ont décidé d’adopter l’option décentralisée prônée par Google et Apple, et le NHS britannique, qui rencontre des difficultés dans la mise en œuvre de son système centralisé, ne pourra pas publier son outil de traçage covid-19 avant juin, d’après le gouvernement.
« J'ai une certaine sympathie pour l'idée que vous pouvez améliorer votre connaissance de l'épidémie avec plus de données », a déclaré M. Salathé. « C'est exact, mais je ne pense pas que nous devrions développer une technologie potentiellement très intrusive sur la base d'un argument épidémiologique. N'utilisons pas cet outil pour en savoir plus sur un virus, mais utilisons-le pour soutenir la recherche régulière de contacts ».
Selon les chercheurs à l’origine de SwissCovid, le moyen d'obtenir la confiance est de minimiser la collecte d'informations. Carmela Troncoso, qui a également travaillé sur le protocole DP3T à l'EPFL, a déclaré : « Notre objectif est de proposer une solution qui puisse être adoptée en Europe et dans le monde entier. Il y a des millions d'utilisateurs et nous leur devons d'être transparents ».
L’avantage qu’il y a toutefois à opter pour la création d'une technologie utilisant l’API Google-Apple est bien évident : c’est la compatibilité immédiate avec iOS et Android. M. Salathé a déclaré : « Je suppose que d'autres pays comme le Royaume-Uni finiront par adopter la voie décentralisée, car la compatibilité est essentielle. Vous voulez avoir un outil qui fonctionne sur les téléphones des utilisateurs, et Google et Apple contrôlent 99,5% des systèmes d'exploitation. Je suis un peu perplexe qu'il y ait encore un débat ».
Selon BBC, l'équipe de la Suisse a salué la participation des deux entreprises au développement d’une technologie. « Le Bluetooth n'a pas été développé pour ce genre de mesure de distance à grande échelle », a déclaré le professeur Srdjan Capkun de l'institut ETHZ. « S'assurer que nous pouvons l'utiliser de cette manière nécessite beaucoup de compétences techniques et de collaboration, y compris une collaboration avec Apple et Google ».
Une porte-parole a déclaré à la BBC qu'Apple avait déjà approuvé l'apparition du logiciel sur son App Store, mais que les développeurs attendaient toujours l'autorisation de le lister sur le marché Google Play, a rapporté BBC mardi dernier.
Sources : TdG.ch, BBC News
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Le , par Stan Adkens
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